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Tunisie/ Inscription sur les listes : Les raisons d’une démobilisation

 

Tunisie/ Inscription sur les listes : Les raisons d’une démobilisation

 

 

Les Tunisiens ne se bousculent pas au portillon pour s’inscrire sur les listes électorales, afin d’élire le 23 octobre leurs représentants à l’assemblée nationale constituante. Pourquoi sont-ils si démobilisés ? L’embrouillamini politique mêlé au farniente estival, a-t-on tendance à répondre en chœur.

La moitié du temps s’est écoulée depuis le démarrage de l’opération d’inscription sur les listes électorale. A ce stade, le taux d’inscription est plus que modeste, on parle de 2 %, les membres de l’instance supérieure indépendante des élections s’alarment, ils ne s’attendaient pas à une telle désaffection, en prévision du premier scrutin indépendant, transparent et démocratique de l’histoire de la Tunisie, où les Tunisiens vont élire, selon leur libre arbitre, les membres de l’assemblée nationale constituante.

La ferveur née de la révolution du 14 janvier est en train de s’émousser à vue d’œil. Ce grand moment historique qui a suscité tant de rêves et tant d’espoirs chez tout un peuple, longtemps ligoté par les chaînes de la dictature, ne paraît plus aussi magnifié. Les Tunisiens passent d’illusions en désillusions. Et pour cause, l’exultation de la révolution leur a fait croire, qu’avec sa chute, le régime despotique aurait emporté avec lui toutes les inégalités et les injustices dont ils ont tant souffert, mais les choses ne sont pas aussi simples. On ne transforme pas un pays, ayant subi un véritable travail de sape pendant 23 ans, par un simple tour de prestidigitation. Vouloir tout, tout de suite n’est qu’une chimère ; y croire serait pécher par excès de crédulité.

C’est de là qu’est né le désappointement, et ses corollaires, baisse de moral, indifférence, voire démobilisation. A fortiori que ceux qui sont censés rassurer les Tunisiens et apaiser leurs inquiétudes, semblent eux-mêmes perdus et bousculés par l’accélération du cours des événements. On cite les partis politiques, on en a déjà une bonne centaine, mais ils ne sont pas, indéniablement, tous logés à la même enseigne. Les uns sont anciens et jouissent d’une notoriété plus ou moins importante, les autres ont vu le jour dans l’effervescence de la révolution.

Après le 14 Janvier, et passées l’euphorie et l'angoisse des tous premiers jours, les partis politiques, notamment les anciens légalisés avant ou après la révolution, se sont mis au travail. Fragilisés par des années d’exclusion, ils devaient se réorganiser, se restructurer et se transformer en partis à même de participer à une réelle course électorale, devant les mener aux rênes du pouvoir. Les plus grandes formations politiques ont vite fait de se déployer dans les régions, de ratisser la Tunisie du Nord au Sud, et d’Est en Ouest, et d’y tenir des meetings.

La campagne électorale a bel et bien démarré avant terme, même si certains préfèrent parler de précampagne. Les acteurs politiques usent de leurs talents de beaux parleurs pour rallier à leur cause un public, pas encore conquis. Cette ambiance politique, inédite dans l’histoire de la Tunisie, se fait sur fond de joutes oratoires, de passes d’armes et de critiques et contre-critiques. C’est un classique en politique, même si le débat avait tendance à déraper par moments pour s’engouffrer dans les surenchères idéologiques sans fin.

Les Tunisiens regardent ce paysage politique en ébullition, et peinent à trouver des réponses à leurs préoccupations : pauvreté, chômage, précarité de l’emploi, cherté de la vie, jugement des coupables de meurtres, des symboles de la corruption etc., bref, tous ces problèmes qui ont suscité cette explosion revendicative, accompagnée de diverses actions sociales, grèves et sit-in. Leur réaction directe et naturelle, c’est de décrédibiliser les politiques d’emblée et de leur ôter leur confiance. C’est de là que découle, en grande partie, cette réticence ambiante envers l’inscription. Espérons qu’elle ne sera que temporaire, et que les Tunisiens se résoudront à aller s’inscrire pour voter le Jour J.

Même si une bonne partie des Tunisiens est réfractaire à la politique, et n’a pas encore développé ce sens civique, qui lui fait prendre conscience de l’importance de l’acte de voter. Celui-ci est aussi bien un droit, qu’un devoir. Un droit dont les Tunisiens ont été privés pendant près de soixante ans et que la révolution et le sang de nos vaillants martyrs leur ont permis de recouvrer. Un devoir, car chaque Tunisien a la responsabilité de participer au changement et au développement de la Tunisie. Notre pays doit s’engager aujourd’hui dans une œuvre de reconstruction globale, ce n’est pas l’affaire des seuls politiques, mais ça doit émaner d’une volonté et une contribution populaires.

La première étape de cette participation est d’élire les personnes que l’on croit les mieux à mêmes de traduire notre projet de société tant rêvé dans les faits, celui qui soit basé sur la démocratie, la diversité, la liberté, l’équité, le respect des droits de la personne humaine...

Certes, la Tunisie traverse aujourd’hui une conjoncture exceptionnellement difficile, et nos concitoyens en souffrent à des degrés divers, mais sortir de l’ornière requiert action et efforts et non passivité et démobilisation. Dans sa phase de gestation, la scène politique tunisienne regorge d’acteurs probes et loyaux, et ayant les compétences requises pour conduire la Tunisie vers des lendemains meilleurs. On les retrouve tant chez les anciens, qu’au sein des nouveaux partis, apprenons à les connaître, analysons leurs discours, vérifions s’ils collent ou non à nos réalités…peut-être que l’on dénichera les candidats (es), à qui on sera tranquille de confier les clefs de l’assemblée constituante…pour que les fondements de la future République tunisienne, libre et démocratique, soient solides et augurent d’un avenir serein et prospère.

Faisons en sorte que le déplacement timide vers les bureaux d’inscription, se transforme en affluence massive. Et gare à minimiser l’utilité de cet acte ou la portée de sa voix, ce serait, le cas échéant, participer à l’échec de cette période transitoire. Tous les Tunisiens ont à cœur de sortir de l’incertitude et du statu quo, ce n’est pas par l’abstention que l’on y parviendra, mais en glissant en masse nos bulletins dans l’urne. Un geste simple mais ô combien décisif.

H.J

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