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Les harédim : 10% de la population israélienne

Une poignée d’ultra-orthodoxes participe à la défense de son pays

 

Les harédim : 10% de la population israélienne  [Analyse]

Par Marine Journo©Metula News Agency

 

On compte aujourd’hui entre 450 000 et 650 000 Juifs ultra-orthodoxes en Israël ; soit environ 10 % de la population. D’ici 2060, ce chiffre devrait passer à 30 %, d’après le Bureau Central des Statistiques d’Israël.

 

Cette proportion de plus en plus importante deharédim, « ceux qui craignent Dieu », dans l’Etat hébreu, n’est pas sans susciter une certaine méfiance de la part des autres citoyens israéliens, d’autant que nombre de ces harédim sont antisionistes.

 

En effet, la lecture et l’interprétation de certains passages de la Torah ont conduit les Juifs les plus observants à rejeter la création d’un Etat « juif ». Cet antisionisme trouve notamment son origine dans les trois serments que Dieu aurait fait prêter au peuple d’Israël, et dont l’une des interprétations, à laquelle adhèrent certains rabbins, interdirait la « montée » (l’immigration) des Juifs en terre d’Israël.

 

Toujours sur la base de commentaires et d’exégèses de textes bibliques, ce serait le messie, dont les Juifs attendent toujours l’arrivée, qui fondera la terre juive, et pas les hommes.

 

Une fois l’Etat hébreu créé, certaines évolutions parmi les communautés ultra-orthodoxes se sont toutefois faites jour, et une partie des harédim, placée devant le fait accompli, a accepté de composer avec l’existence d’Israël ; elle l’a acceptée sans toutefois l’avoir souhaitée, et coopère désormais avec le mouvement sioniste.

 

Par ailleurs, la Guerre des Six Jours de 1967 a également contribué à un changement d’attitude de certains courants religieux. Décelant dans la victoire d’Israël une intervention divine, des obédiences harédim ont rallié le nationalisme israélien, tel le mouvement Goush Emounim (le Bloc de la Foi). Aujourd’hui, ce dernier tient un discours ancré dans le sionisme radical, favorable aux implantations et partisan du « Grand Israël ».

 

Une partie non-négligeable des déclinaisons harédim continue cependant de récuser vertement l’existence d’Israël.

 

A leur sens, non seulement la naissance du foyer national juif s’opposerait à la volonté divine, mais encore le nouvel Etat incarnerait un motif d’adoration de la part du peuple juif, qui, par le nationalisme et le sionisme, vouerait un culte à ce pays, au détriment de Dieu.

 

Pourtant, et c’est là l’une de leurs contradictions, les ultra-orthodoxes antisionistes résidant en Israël, qui désapprouvent l’existence du pays, ne sont absolument pas disposés à le quitter. Ils y sont confortablement installés dans des quartiers fermés, en marge de la société « profane », et jouissent à la fois de la liberté de mener leur vie à leur gré, et de la sécurité qu’offre l’Etat hébreu à tous ses citoyens.

 

Ils n’en ont pas pour autant renoncé à leur antisionisme, qui s’exprime de diverses façons.

 

La plus extrême d’entre elles réside sans doute dans le soutien inconditionnel à la cause palestinienne, prôné, entre autre, par le groupe haredi Neturei Karta.

 

Ces « gardiens de la cité » militent activement pour le démantèlement de l’Etat hébreu. Ils n’hésitent pas à fréquenter les personnalités les plus antisémites du moment ; en 1994, Arafat avait même nommé Moshé Hirsch, rabbin appartenant à cette mouvance, ministre des Affaires juives du gouvernement palestinien.

 

Depuis, les rabbins de Neturei Karta s’affichent fréquemment aux côtés de Mahmoud Ahmadinejad à Téhéran, notamment quand celui-ci organise des événements lors desquels il prétend que la Shoah n’a jamais eu lieu.

 

Le mouvement Neturei Karta, comme d’autres parties de la galaxie ultra-orthodoxe – mais pas toutes ! -, s’oppose fermement à l’immigration de la diaspora vers Israël.

 

Certains quartiers de Jérusalem, de Tel-Aviv et de Haïfa sont exclusivement habités par des harédim, à l’instar de Mea Shéarim dans la capitale, « les Cent Portes ». Situation très paradoxale, car ils peuplent cet Etat dont, pour eux, l’existence relève d’une hérésie.

 

Plus aberrant encore, d’aucuns parmi ces Juifs ultra-orthodoxes antisionistes refusent de posséder la nationalité israélienne, bien qu’ils vivent dans l’Etat hébreu et y jouissent des droits associés à la citoyenneté, et même d’un statut particulier avantageux.

 

Cloîtrés dans des quartiers, nombre de ces hommes en noir passent leurs journées à étudier la Torah, et plus de la moitié d’entre eux n’exerce aucune activité professionnelle : 54,4 % en 2011, selonle rapport annuel de la Banque d'Israël. Comment vivent-ils, alors ? Leurs revenus proviennent exclusivement de l’Etat et de donations privées.

 

Les harédim consacrant leur vie à l’étude des textes religieux dans les yeshivot (écoles talmudiques), au nombre de 138 249, d’après le Bureau Central des Statistiques d’Israël, perçoivent automatiquement une bourse d’étude, remise par le ministère des Affaires religieuses.

 

Avec un taux de fécondité de 6,5 enfants par femme, la plupart des membres de cette communauté empochent également des allocations familiales. Enfin, une pension supplémentaire est octroyée aux foyers « pauvres ».

 

Les harédim participent par ailleurs au système démocratique israélien, aux seules fins de protéger leurs avantages et de faire valoir leurs intérêts.

 

La communauté harédi est ainsi représentée à la Knesset, au sein de différents partis, tel Yahadut Hatorah (le Judaïsme de la Torah), le parti religieux regroupant les orthodoxes ashkénazes, créé par la fusion de deux partis précédents : Dégel Hatorah (le Drapeau de la Torah) et Agoudat Israel (Union d’Israel).

 

Ce dernier, né en 1912, était originairement hostile à la création d’un Etat « juif ». Ses positions antisionistes ont cependant évolué, et, en 1947, si Agoudat Israel n’a pas soutenu le projet de l’établissement d’un foyer national juif en Palestine, elle ne s’y est pas opposée pour autant. En contrepartie de sa neutralité, Agoudat Israel se vit remettre un document précieux - la lettre du Statu Quo - lui étant expressément adressée par l’Agence juive, listant un certain nombre de garanties inamovibles à l’égard des Juifs ultra-orthodoxes, qui prévaudront dans la vie du futur Etat.

 

Les partis religieux, en prenant part à la vie politique, tentent d’influer sur l’existence de leurs compatriotes, en instillant des lois qui incluent le plus de principes possible de la « loi divine ».

 

L’une des dispositions assez peu démocratiques qui leur assure une représentation maximale au parlement est celle par laquelle les rabbins harédim distribuent des consignes de vote à leurs ouailles, en les enjoignant vigoureusement de remplir leur devoir électoral. Les ordres du rabbin remplacent ainsi la conviction personnelle et la réflexion citoyenne.

 

Si, quand il s’agit de bénéficier des avantages que la démocratie israélienne leur accorde, les Juifs ultra-orthodoxes répondent présent, il n’en va cependant pas de même concernant les devoirs.

 

C’est ce qu’illustre notamment la loi Tal, en vigueur depuis presque dix ans. Elle permet aux jeunes étudiants des yeshivot d’être exemptés de service militaire. Une loi injuste, qui fait la part belle à l’antisionisme de certains ultra-orthodoxes, lesquels ont mis un point d’honneur à ne pas servir « leur » pays, de quelque façon que ce soit.

 

Et à ne pas le défendre non plus, d’ailleurs, s’il se trouve en danger. La loi Tal incarne cette volonté propre aux harédim antisionistes de ne pas se battre pour Israël, puisque l’existence de cet Etat est « contre-nature ». Certains ultra-orthodoxes se défendent de cette mise en cause, avançant que la Torah leur interdit de tuer leur prochain, d’autres, encore, que c’est en étudiant les textes sacrés qu’ils assurent la protection d’Israël. A les en croire, il faudrait que certains jeunes combattent sous l’uniforme, et que d’autres étudient la Torah.

 

La loi Tal donne également prétexte à des milliers de personnes, se faisant passer pour des orthodoxes, d’échapper à leurs obligations militaires ; celles-ci travaillent ou feignent de fréquenter des yeshivot, tout en demeurant parfaitement ignares en religion.

 

Et même si les jours de la loi Tal semblent comptés, à en croire les auteurs de la nouvelle alliance gouvernementale entre le Likoud et Kadima, il y a fort à parier que ceux parmi les harédim qui abhorrent publiquement l’Etat d’Israël et ses symboles continueront encore longtemps d’en profiter sans vergogne.

 

Certains Israéliens voient, dans cette acceptation de partager leurs ressources avec une communauté qui ne se soumet pas aux mêmes obligations, un signe de la grandeur d’âme de la démocratie israélienne. D’autres – et ils sont nettement les plus nombreux -, une injustice insupportable, qu’il convient de rectifier le plus tôt possible.

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