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Ce que les étrangers pensent de la Tunisie et de sa crise

Ce que les étrangers pensent de la Tunisie et de sa crise

 

 

 

 

Par Nizar BAHLOUL

C’est un ami rencontré la semaine dernière à Paris. Un observateur bien averti et fin connaisseur de la situation politique dans le monde arabe et en Tunisie en particulier. 
De par ses fonctions, il est en contact régulier avec de hauts responsables du Quai d’Orsay et de Bruxelles, mais également des dirigeants du PS et de l’UMP. 
Une longue discussion s’est engagée durant laquelle il a fait part de ce qu’il pense, mais aussi de ce que pensent les Européens et les Français de la situation actuelle en Tunisie. Leurs observations sont utiles vu qu’ils ont un regard externe et détaché.

L’ami observateur et analyste en question est d’accord pour dire que les règles démocratiques en Tunisie ont été bafouées, vu le dépassement des délais légaux et des prérogatives par la Troïka en plus du non-accomplissement de leur mission première : la rédaction de la constitution. 

Faut-il cependant éjecter les 217 députés de l’ANC et l’ensemble des membres du gouvernement ? La réponse est strictement négative. Il est hors de question pour nos amis et partenaires européens de mettre dehors les Islamistes, l’avenir ne pourra en aucun cas se faire sans eux. Il est également hors de question de les humilier, comme cela s’est fait en Égypte ou comme voudraient le faire certains hommes politiques de la gauche. 

L’idéal étant que les adversaires politiques s’assoient autour d’une table pour discuter de l’avenir du pays et des urgences actuelles qui ne supportent plus d’attendre. Il faut trouver les solutions adéquates pour résoudre ces urgences et ces solutions ne peuvent être trouvées que par les hommes politiques. 

Quant à l’UGTT et l’UTICA, qui sont en train de jouer ce rôle, il faudrait s’en méfier, car les deux organisations vont présenter, inévitablement, une « facture » pour leur initiative et le gouvernement futur n’aura pas les moyens nécessaires de l’honorer. 

Un gouvernement de technocrates pourra-t-il résoudre les problèmes et mener le pays vers les élections ? La réponse est négative, selon notre interlocuteur, qui rappelle la piètre prestation de plusieurs ministres technocrates sous les gouvernements de Mohamed Ghannouchi II et de Béji Caïd Essebsi. Il exclut également la possibilité de promouvoir les hauts cadres de l’administration à des rangs ministériels, car ces hauts cadres n’auront pas le courage de prendre des décisions adéquates de peur de devoir rendre des comptes ensuite. Il fait remarquer les nombreuses arrestations ayant touché des PDG et des directeurs généraux qui ont énormément servi le pays par le passé. Des arrestations parfois arbitraires, parfois pour des raisons futiles. Certains PDG, comme Zouheïr Basli de la Poste, par exemple, sont encore en prison, alors qu’il n’y a aucune malversation avérée de leur part. Les arrestations d’hier et d’aujourd’hui empêcheront les ministres technocrates de demain de prendre des décisions courageuses et salvatrices pour le pays. 

Les solutions dont a besoin la Tunisie en ce moment sont politiques et non techniques et les problèmes actuels ne peuvent se résoudre, sans les hommes politiques censés regrouper les principales sensibilités composant le paysage. 
Parmi les principales sensibilités citées par notre ami avisé, les RCDistes. Il fait remarquer que plusieurs parmi les ministres de Ben Ali ont été de véritables compétences et ont agi comme des serviteurs de l’Etat et non des serviteurs d’un régime. Leurs prestations et leurs chiffres sont certifiés par les plus grandes instances internationales : Banque Mondiale, FMI, Union européenne… 
Continuer à exclure ces compétences, c’est priver le pays de leur savoir-faire acquis durant des années et aussi de leur carnet d’adresses. 
La Tunisie a exclu, durant des décennies, les Islamistes et il s’est avéré, preuves à l’appui, qu’elle ne peut pas marcher sans eux. Mais il faut savoir aussi que le pays ne marchera pas non plus, sans ces compétences ayant occupé de hautes responsabilités sous Ben Ali. 

Ce qu’il faut, c’est rassembler toutes les forces vives des différentes tendances et mettre la main dans la main pour aller de l’avant. Il faut tourner la page et faire une sorte de réconciliation nationale, continue notre interlocuteur. La crise est telle que le pays ne supporte plus de continuer longtemps dans cette zizanie, dans ces coups bas et avec ces menaces. Il faut un climat de confiance entre les partis, il faut cesser de faire miroiter la machine judiciaire, que ce soit contre les islamistes (qui ont trop payé) ou contre les RCDistes. La réconciliation est nécessaire et plus elle vient rapidement, mieux ça vaut pour la Tunisie. Sinon… 

Notre interlocuteur prend un temps d’arrêt et relève les menaces qui pèsent sur les Tunisiens s’ils continuent à s’entredéchirer. Il y a le scénario de la guerre civile et c’est le pire. Il est lointain, mais il n’est pas impossible. Et puis il y a le scénario à l’égyptienne qui est salvateur sur le court terme, mais fatal pour la démocratie. 
Les Islamistes égyptiens ont enfreint la constitution et n’ont pas respecté la démocratie. Ils allaient mener leur pays à la faillite certaine. Il était normal que l’armée égyptienne réagisse pour sauver ce qu’il y a à sauver, mais dans leur initiative la démocratie part aux oubliettes. Du moins pour l’instant. 
Vue de Paris, de Bruxelles et de Washington, la révolution tunisienne a encore des chances d’être sauvée. La démocratie tunisienne peut être instaurée et peut réussir. La Tunisie peut avoir des élections transparentes, une justice indépendante et un climat politique sain. Il faut juste établir la confiance entre les différents acteurs politiques, que l’on cesse avec cette mentalité revancharde et vengeresse et que l’on mette comme priorité absolue, le sauvetage du pays. Il faut en finir avec cette haine et cet aveuglement observés chez certains partis, notamment les CPR et Wafa. 
En clair, résume notre interlocuteur, il faut une sorte de réconciliation nationale permettant de faire appel à toute compétence avérée, quelle que soit sa couleur politique tant qu’elle n’est pas impliquée dans des malversations, pour qu’elle mette la main à la pâte et mener la Tunisie vers l’essor économique et démocratique.

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La séparation du religieux et de l'Etat pourrait commencer à résoudre les problèmes. Les Tunisiens refusent un gouvernement qui veut instaurer la charia ! Ils ne veulent pas d'un gouvernement islamique mais laïque. Ils peuvent l'obtenir en douceur mais ils peuvent aussi faire comme en Egypte!
Ils instaureront la démocratie quoiqu'en pensent "les étrangers" !

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