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Radu Mihaileanu et La source des femmes : un film à l’inspiration tarie

 

Radu Mihaileanu et La source des femmes : un film à l’inspiration tarie

 

Radu Mihaileanu aime poser sa caméra aux quatre coins du monde. Après avoir filmé Israël dans le puissant Va, vis et deviens et la Russie dans Le concert, le voici de retour dans un village isolé entre le Maghreb et le Moyen-Orient pour La source des femmes, avec au cœur de son sujet la libération de la femme musulmane.

Dans ce village (qu’il refuse d’identifier), existe une tradition selon laquelle ce sont les femmes (jeunes, âgées, enceintes ou non) qui doivent aller chercher l’eau à la source, dans des conditions épuisantes et souvent au péril de la vie qu’elles portent dans leur ventre. Leila (jouée par Leila Bekhti) fraichement mariée à Sami (Saleh Bakri) et nouvelle dans le village, pousse les femmes à se révolter contre ce rituel en entreprenant une grève de l’amour (autrement dit, plus de sexe jusqu’à ce que les hommes y aillent à leur place).

Nous voilà dans une histoire d’émancipation, une histoire humaniste comme on aime en voir au cinéma, où la femme va peu à peu s’affranchir de l’autorité dictatoriale de l’homme, le village découvrir un islam éclairé etc. Bien que précédant le printemps arabe, La source des femmes brille par sa symbiose avec les évènements récents, ce qui permet au film de s’inscrire dans une certaine lignée d’œuvres qui fleurissent à l’écran ces derniers mois (Si tu meurs je te tue, L’étrangère ou encore Women without men etc.). Le réalisateur réussit à faire un film dans l’air du temps, sincère et profondément humaniste.

C’est là sa force mais aussi sa limite : le problème vient du fait que l’on ressent davantage la force du sujet que la force du cinéma, comme si la réalisation de Radu Mihaileanu avait un train de retard sur l’histoire ou n’arrivait pas à assumer la puissance de son propos. Il conduit son récit là où il veut le mener mais sans parvenir à éviter certains écueils. Le manichéisme est le principal d’entre eux. La limite entre « bons » et « mauvais » est posée d’emblée et jamais remise en cause. On a un affrontement entre hommes et femmes où pour résumer : toutes les femmes sont bonnes et dignes, sauf une (la belle-mère frustrée, évidemment) ; et tous les hommes sont bornés, sauf un (le mari de Leila). Arrive un stade où le film ne pose plus les bonnes questions et créé une forme de frustration chez le spectateur : qui sont ces femmes ennemies des femmes ? Pourquoi les hommes ne soutiennent-ils pas leur cause ? Quelles seraient les implications politiques d’un tel changement ? Par facilité, il évite ou ne fait qu’effleurer ces interrogations et semble se complaire dans un manichéisme dont il a du mal à s’extirper. Il peine en 2H10 à relancer ses enjeux. Le scénario tourne donc en rond, les idées s’étiolent, et l’ennui malheureusement, s’installe.

Kelly Brahami

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