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La Chehita (Abattage rituel)

 

La Chehita (Abattage rituel)

 

 

En prévision du vote d’une loi sur l’étiquetage des aliments au Parlement Européen, le 4 juillet prochain, pourquoi il est urgent de défendre l’abattage rituel juif, la chehita.

par Bruno Fiszon (Grand Rabbin, Vétérinaire), Alexandre Feigenbaum (Chercheur), Jean Marc Elbaz (Vétérinaire)

La chehita, un cahier des charges rigoureux pour limiter la souffrance des animaux lors de l’abattage

Pendant des siècles, la chehita, abattage selon le rite juif, a été de loin le meilleur moyen de limiter la douleur animale lors de l'abattage. Le respect de l’animal pendant sa vie et jusqu’à sa mort est un principe constant de la Torah : interdiction de museler le bœuf et de l'empêcher de se nourrir durant son travail aux champs (Deutéronome XXV,4) - Repos obligatoire des animaux le chabbat (Exode XX,10) - Obligation de nourrir les animaux avant de prendre son propre repas (Guitine 62a) - Interdiction de la chasse comme loisir etc.

Il n’est pas aisé d’évaluer ou de mesurer scientifiquement la souffrance d’un animal. La chehita a été le mode d'abattage le plus étudié par les scientifiques depuis un siècle. De nombreuses études suggèrent que l’animal n’a pas le temps de souffrir et que sa mort serait particulièrement rapide avec la chehita. Les règles techniques de la chehita constituent en effet un véritable cahier des charges. L’abatteur (chohet) doit être un technicien expérimenté et hautement qualifié par une formation très solide durant plusieurs années. Pour que l'animal soit mort avant qu’il n’ait pu ressentir la souffrance, l’incision doit être effectuée d’un seul coup, avec un couteau extrêmement tranchant et en parfait état. S’il y a la moindre erreur, la moindre imperfection de la lame, la moindre déviation par rapport au protocole idéal, si l’exécution n’a pas été aussi rapide que possible, l’animal abattu n’est pas cacher. Cette rigueur a pour motivation la diminution optimale de la souffrance de l'animal.

Le projet de loi risque de discriminer de la chehita

Le 19 avril 2011,la commission Environnement du Parlement Européen a adopté un amendement, dit Gerbrandy-Jorgensen qui prévoit l'étiquetage des viandes provenant d'animaux abattus sans étourdissement, c’est-à-dire issues d'abattage selon un rite religieux (juif ou musulman). Ce texte, avec de très nombreuses autres dispositions sur l’étiquetage des aliments, sera soumis au Parlement pour adoption en séance plénière début juillet 2011. L’amendement Gerbrandy-Jorgensen pose comme postulat que l'abattage sans étourdissement est source de douleur importante pour les animaux. L’étiquetage des viandes abattues selon un rite religieux permettra ainsi d’accréditer l’idée que les animaux dont proviennent ces viandes auront été exposés à une souffrance inutile et injustifiée, selon un rite rétrograde. On peut prévoir d’ores et déjà des conséquences dramatiques sur les circuits de production et de distribution de la viande cacher ou halal.

Le projet de loi risque d’imposer une double peine aux animaux

Qu’en est-il de l’étourdissement des animaux avant l’abattage ? L’étourdissement, c’est la technique qui, en principe, permet d’insensibiliser l’animal avant sa mise à mort et sa saignée. En principe seulement, car les échecs sont hélas nombreux et dramatiques. Le rapport sur les douleurs animales publié par l'INRA en décembre 2009 fait le point sur les échecs de l’insensibilisation des animaux avant l’abattage : de 2 à 54 % chez les ovins (étourdissement par électronarcose, d’après une étude néo-zélandaise de 2001) et de 6 à 16 % chez les bovins (étourdissement par perforation de la boîte crânienne pour les assommer selon des données synthétisées par l’INRA). En France ces dernières années, il y a eu de gros efforts dans les abattoirs pour réduire le taux d’échecs. Mais il faut savoir que ces animaux, mal ou pas insensibilisés, rentrent directement, encore conscients, dans la chaine de production où ils sont saignés et découpés sans précautions particulières, puisque les ouvriers les croient à tort inconscients. Par conséquent ces animaux subissent une double peine et leur agonie peut alors être atroce.

En ce qui concerne les abattages selon des rites religieux (chehita et halal confondus), il y a, selon le rapport de l’INRA 17 à 18% d’échecs, pour lesquels le temps de perte de conscience de ces animaux est au delà de l'acceptable. Ramené au nombre d’animaux, les échecs selon les rites religieux sont beaucoup moins fréquents que selon étourdissement. On peut penser que l’application généralisée du cahier des charges rigoureux de la chehita permettrait de réduire fortement ces pourcentages.

Sans prendre en compte la douleur de l'animal, la mention des conditions d'abattage votée en Commission Environnement du Parlement Européen le 19 avril 2011 pourrait donc s'avérer n'être qu'une désinformation du consommateur. Cette mesure entraînera en outre une stigmatisation des communautés juives par le biais de campagnes aux objectifs très douteux. Il est donc urgent que les politiques puissent disposer d’informations scientifiques de haut niveau et fiables, permettant une réelle évaluation des techniques d’abattage. Il faudrait enfin se demander si la technique de la chehita ne reste pas, aujourd’hui encore, l’une des moins mauvaises façons d’abattre un animal.

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