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L'antisémitisme, une haine spécifique


   Le caractère non physique et insaisissable de la différence juive cristallise le rejet.

L'antisémitisme, une haine spécifique

Par Alain POLICAR
Alain Policar est agrégé de sciences sociales de l'université de Limoges.

La montée des comportements antisémites (sur laquelle P.-A. Taguieff a opportunément attiré l'attention dans La Nouvelle Judéophobie , Mille et une Nuits, 2002) pourrait laisser penser que seuls les individus ou les bâtiments immédiatement repérables comme juifs sont victimes de dégradations ou de violences. Il me semble pourtant que si la tension au Proche-Orient devait durer (et tout paraît, hélas, indiquer qu'il en sera ainsi), on ne se contenterait sans doute pas de s'en prendre à ce qui est ostentatoirement juif. Il y a en effet une spécificité de la haine antijuive, aujourd'hui peu manifeste, mais extrêmement profonde. Peut-être n'est-il pas inutile d'en prendre conscience, même si je crois les institutions de la République et les mentalités de nos concitoyens (du moins de la majorité d'entre eux) capables de nous protéger contre les plus terribles dangers.

Le modèle dominant de lutte contre le racisme, développé à partir de 1945, établissait une équivalence structurelle entre colonisés et Juifs dans leur fonction de détournement de l'insatisfaction sociale. Dans cette stratégie argumentative, la spécificité du génocide des Juifs constituait une réelle difficulté. Il fallait donc que le racisme nazi soit une forme particulière de racisme colonial. Pourtant, la distinction entre ces deux formes de racisme avait été posée avec vigueur par Jeanne Hersch en 1967.

Dans une étude consacrée à la notion de race et à l'examen de deux textes établis sous l'égide de l'Unesco, elle montrait que dans le cas du racisme colonial, les différences physiques stigmatisées par les colonialistes étaient manifestes, alors que celles dénoncées par les nazis étaient extrêmement imprécises. Elle ajoutait, en outre, que les colonialistes justifiaient l'exploitation de leurs victimes à l'aide d'un préjugé raciste, celui de l'infériorité intellectuelle des exploités, tandis que les nazis usaient comme moteur de leur haine de l'envie qu'inspiraient les Juifs, auxquels le préjugé raciste prêtait une supériorité intellectuelle dangereuse. Aussi, pour les colonialistes fallait-il maintenir la présence de l'«autre race» en tant que source de profit ; alors que pour les nazis le but était son élimination et sa destruction.

Pour le racisme d'extermination, c'est donc le caractère incertain des différences physiques de l'autre qui entretient une suspicion diffuse, une hantise du mélange. Or si ce racisme a désigné le Juif comme l'ennemi absolu, c'est parce que la différence juive, hors du champ religieux, est insaisissable. Elle est, en conséquence, la plus dangereuse pour l'identité collective du groupe. Comme le notaient, il y a assez longtemps, P. H. Maucorps, A. Memmi et J. F. Held, «le Gitan est nomade et fait des paniers, l'Algérien parle arabe et se reconnaît plus ou moins, les étrangers ont des passeports et des accents, les noirs sont noirs. Au contraire, les Juifs représentent l'autre, camouflé en humain [...]. Les Juifs, minorité tellement fluide que très peu d'individus considérés comme tels réunissent toutes les déterminations réelles ou supposées de leur groupe, sont objet de racisme en tant que simple incarnation de l'Altérité» (in les Français et le Racisme , Payot, 1965, p. 107). On voit, à travers ces lignes, la particularité de l'antisémitisme qu'avait, à sa manière, évoquée Edouard Drumont lorsqu'il écrivait : «Le Juif dangereux, c'est le Juif vague.»

En d'autres termes, le plus grand péril pour le raciste, c'est le péril indiscernable. Le Juif, trop semblable au point de ne pouvoir être distingué, exaspère chez l'antisémite l'horreur du métissage, la peur de la dégénérescence par l'effet du mélange. Ceci souligne le fait que les propositions xénophobes concernant les Juifs ne sont pas des efforts pour donner une explication causale de la menace sociale, mais des expressions d'une crainte face à un danger mal compris et de la conscience d'une fissure dans l'armature sociale de la communauté. Le psychanalyste hongrois Imre Hermann, dès 1943, avait souligné que le Juif, «élément étranger», remplit dans l'imaginaire le rôle d'un pou qu'il convient d'éliminer afin de préserver la peau (le corps social) de toute agression autodestructrice. Pourquoi remplit-il ce rôle-là ? Parce que détaché du sol, et ne produisant donc pas de denrées alimentaires, il est, pour beaucoup, un parasite et «parce que vivant dispersé et souvent soumis à la migration, il exaspère, chez les autres, l'instinct d'épouillage» (l'Instinct filial , Denoël, 1972, p. 177-184). Dans une société moderne où le changement brusque dans les conditions d'existence provoque une profonde incertitude vis-à-vis de soi-même, l'angoisse se transforme aisément en hostilité à l'égard des autres. Ce que l'on pourrait appeler une identité floue se construit ainsi par les moyens du désir de rejet, rejet de la différence de l'autre perçue comme portant atteinte à ma propre différence. Sentiment d'autant plus violent que la différence est insaisissable.

Il paraît, par conséquent, illusoire de penser aujourd'hui les tâches de l'antiracisme sans partir de cette réalité : l'antisémitisme appartient à un registre spécifique. La lutte contre lui ne peut en conséquence être efficace que si elle est distinguée de la lutte contre les autres formes de racisme. Est-il utile de préciser que l'accent mis ici sur la particularité du registre antisémite n'induit nullement une volonté de méconnaître les autres expressions de la haine ou de hiérarchiser celles-ci à l'aune de leur malfaisance ?.

                                           


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