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Juifs de France : la dangereuse confusion d'Eyal Sivan

 Juifs de France : la dangereuse confusion d'Eyal Sivan
o LE MONDE | 17.12.01 | point de vue
Publié en première page du Monde (8 décembre), le point de vue d'Eyal Sivan, "La dangeureuse confusion des juifs de France", fait franchir un seuil au discours qui est tenu sur les juifs français. Ce texte nourrit le débat public à l'instar de tout ce que les médias produisent sur cet ensemble passionnel triangulaire, construit autour de ses trois termes : la France, les juifs, les arabes.
Le Monde - dont la rigueur est la profession de foi - ne cesse, à bon escient, depuis les attentats du 11 septembre, parce que l'islam est malheureusement sur la sellette, de tenter de pacifier nos concitoyens, d'éviter qu'un amalgame puisse être fait entre islam et islamistes. Présenté comme un "point de vue", mais placé en "une", ce texte a une autre valeur que la libre opinion des pages intérieures.
Les présents signataires sont perplexes, si ce n'est consternés. Il semble que les précautions d'usage ne soient plus à l'œuvre dès qu'il est question du sujet juif. La signature israélienne du texte légitime-t-elle l'écart à cette règle ? Faut-il rappeler que la communauté juive est présente dans l'histoire de France depuis deux mille ans, inscrite dans la citoyenneté républicaine depuis deux siècles et que la religion juive est partie prenante du pacte laïque depuis le début du XIXe siècle ? Faut-il aussi rappeler que les signataires ne considèrent pas le sujet juif, pas plus qu'Israël, comme intouchables et au-dessus de la critique, pour peu que celle-ci procède d'un souci minimum de factualité et d'honnêteté intellectuelle ? Sur ces sujets, la polémique, l'exaltation, le ressentiment, les glissements sémantiques, les discours sournois ne font qu'alimenter un surcroît de passions et de haine. Le moment présent s'en dispenserait volontiers.
Certes, personne ne peut contester à Eyal Sivan, Israélien en rupture de ban avec son pays, le droit d'avoir un avis, de s'interroger sur les uns et les autres, d'émettre des réserves, de critiquer ou d'être hostile. Seulement, l'avis ainsi formulé, les détours et qualifications utilisées étonnent.
Qui sont ces juifs de France qu'Eyal Sivan prétend connaître ? Les connaît-il ? Se rend-il compte de la diversité de situations, de sensibilités, de mentalités, d'approches, de convictions qui prévalent au sein de cette communauté ? Qui sont d'ailleurs les juifs de France dont il parle ? Une masse X glauque, incroyablement robotisée et parfaitement lobotomisée par quelques fonctionnaires israéliens ? A le lire, un lecteur non informé pourrait s'imaginer que toutes ses institutions et ses membres sont des soldats de l'armée israélienne. Le propos d'Eyal Sivan possède une drôle de saveur quand il va jusqu'à trouver une justification morale et politique à des incidents antisémites chroniques et à l'atmosphère d'insécurité qui entoure singulièrement la vie juive depuis plusieurs mois.
Mais quoi qu'en dise Eyal Sivan, la réalité est tout autre. Une grande majorité des juifs de France regardent autrement Israël. Libre à lui de souhaiter sa destruction, comme le souhaite une grande partie du monde arabo-musulman, mais, comme citoyens, il est de notre droit le plus total d'exprimer librement nos opinions à ce sujet.
La réalité est autre aussi sur le plan français. Durant un an, plus de 350 incidents antisémites, recensés par les institutions juives et dont la liste est consultable et vérifiable, se sont produits dans un terrible désintérêt, confinant à la cécité idéologique de l'opinion publique et de la classe politique. Ces agressions sont génératrices d'un sentiment d'abandon et de déréliction.
Le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) fourmille d'indications. Le rapport dresse la courbe des menaces antisémites dans la dernière décade. Cette courbe montre un accroissement du volume de menaces consécutives à la profanation du cimetière israélite de Carpentras : 372 menaces sont en effet recensées en 1990. La courbe de ces manifestations s'infléchit jusqu'en 1993. En 1995, le reflux reprend pour atteindre son niveau le plus bas en 1999. L'an 2000 voit un niveau de menaces sans précédent, concentrées à plus de 85 % sur le dernier trimestre (603 menaces).
Le même rapport dresse la liste des violences antisémites signalées depuis dix ans. Depuis 1991 (24 violences), les courbes du nombre et de la gravité des actes de violence visant les membres de la communauté juive s'infléchissent régulièrement jusqu'à devenir "résiduelles" (3 violences en 1997). Une remontée constatée en 1999 était confirmée au cours des neuf premiers mois de l'année 2000. Mais le dernier trimestre a enregistré - note le rapport - une véritable explosion du nombre d'actions (111) en raison de la situation au Moyen-Orient : 116 violences antisémites en 2000 dont 44 tentatives d'incendie, 33 dégradations par coups de feu, jets de pierre, bris de vitres et 33 agressions qui blesseront 11 personnes.
Synagogues et autres lieux de culte ont été visés à 43 reprises, 3 cimetières juifs ont fait l'objet de profanations. Des fidèles sortant de lieu de culte ont été la cible de 39 actions violentes et des professeurs, des élèves ou des cars transportant des élèves ont fait l'objet de violences à 9 reprises.
Pour l'année 2001, le ministère de l'intérieur, qui subitement s'est dépêché de livrer chiffres et commentaires, déclare avoir enregistré jusqu'au 15 novembre 26 actions violentes - mais dont seuls les actes causant un arrêt de travail de huit jours sont retenus - et 111 intimidations et menaces. Le ministère en conclut que la violence a été moindre et minimise ainsi les chiffres communiqués par les institutions juives. Seulement, comme le note le journaliste Eric Conan dans L'Express du 6 décembre, les spécialistes du ministère de l'intérieur font remarquer que leurs statistiques fiables sont loin d'être exhaustives et que les faits non recensés (notamment pour les petites agressions) leur échappent alors que les institutions juives enregistrent systématiquement ces actes.
Nonna Mayer et Guy Michelat, dans le rapport de la CNCDH, dressent un bilan pour le moins inquiétant de la situation. Certes, il n'y a pas forcément plus d'antisémites dans la société française en l'an 2000 et 2001 qu'en 1990, mais il y a moins d'antisémites honteux, constatent les chercheurs du Centre d'étude de la vie politique française : "La hausse de l'antisémitisme déclaré s'observe dans toutes les catégories de la population, chez les hommes et chez les femmes, chez les jeunes et chez les plus âgés, chez les ouvriers et chez les cadres, à gauche et à droite" (p. 100).
En raison de la recrudescence du conflit israélo-arabe, le contexte est propice à l'expression de sentiments anti-israéliens et antijuifs. La presse répercute cette intifada dans son intensité dramatique ou passionnelle. Et cette guerre est avant tout une guerre des images et des symboles. La force des images laissera des séquelles, en laisse déjà. Nonna Mayer constate dans un récent entretien (Information juive, décembre 2001) qu'il existe au sein d'une population défavorisée et issue de l'immigration maghrébine un ressentiment à l'égard de la société et à l'égard des juifs - considérés, à tort ou à raison, comme mieux lotis que les arabes en France. Il y a de la part de ces jeunes un réflexe de solidarité stimulé par les images vues à la télévision, une identification à ce qui se passe au Moyen-Orient.
Nous rappelons que les juifs de France sont dans leur grande majorité ancrés dans leur citoyenneté. Ils vivent ou non leur identité, célèbrent ou non un culte, ont un avis partagé ou indifférent, peut-être passionnel ou passionné sur le monde qui les entoure, sur le judaïsme, sur leur rapport à l'altérité, et y compris sur Israël et le conflit israélo-arabe. Nous demandons alors que cette diversité soit reconnue et respectée. Que l'on cesse d'attiser les braises, d'enfermer un groupe humain, une communauté, dans une vision culpabilisante largement colportée à l'heure actuelle dans la presse, selon laquelle les juifs de France seraient sectaires et sous l'emprise d'un "repli communautaire". Est-ce ainsi qu'il faut nommer l'absence de solidarité citoyenne dans l'adversité ? Nous pointons ces étonnants silences devant ces agressions. Lorsque des juifs sont victimes d'agressions, faut-il rappeler que ce sont des citoyens français qui sont touchés ?


Philippe Bensoussan, cinéaste ; Alain Didier-Weill, psychanalyste ; Raphaël Draï, universitaire ; Serge Klarsfeld, avocat ; Marc Knobel, chercheur au Centre Simon Wiesenthal ; Stéphane Lilti, avocat ; Gérard Rabinovitch, chercheur ; Daniel Rachline, producteur ; Jacques Tarnero, chercheur ; Shmuel Trigano, universitaire.

 


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