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Situation politique actuelle à la lumière du droit musulman

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Par Sami Aldeeb[1]

e-mail: aldeeb@gmx.fr

site: http://www.go.to/samipage 

 

Les actes de violence du 11 septembre 2001 ont surpris tout le monde. Pourquoi de tels actes? Y a-t-il un lien entre les normes musulmanes et ces actes? Comment éviter la répétition de tels actes dans l'avenir? C'est à quoi je veux essayer de répondre.

1) Précisions préalables

Dans la haine comme dans l'amour il faut savoir garder la raison et être précis. Pour cela je commence par trois précisions.

A) J'ai utilisé intentionnellement le terme "actes de violence" et non pas le terme "actes de terrorisme" pour qualifier ce qui s'est passé le 11 septembre. Le terme "terrorisme" n'a pas de définition acceptée sur le plan international. Les Nations Unies ont adopté des résolutions contre le "terrorisme" sans le définir. Tant qu'il n'est pas clairement défini, ce terme relève de la propagande politique et le juriste doit l'éviter.

B) La violence fait partie de la nature humaine et animale et elle est liée à l'instinct de la survie ou de la domination. Qu'on ait tort ou raison, on essaie de la légitimer, soit rationnellement, soit religieusement. Cette violence se manifeste dans les rapports entre l'homme et l'animal (pensez à l'abattage rituel), entre les parents et les enfants (pensez à la circoncision masculine et féminine), entre les hommes et les femmes, entre le maître et l'élève, entre le gouvernement et le citoyen, entre un groupe et un autre, etc.

C) Je limite mon intervention aux normes musulmanes relative à la violence entre les musulmans et les non-musulmans, mais il faut garder à l'esprit que les musulmans n'ont pas le monopole de la violence. Je rappelle que les juifs ont détruit 385 villages palestiniens en invoquant la Bible. Bush, qui se dit chrétien, invoque la bénédiction divine dans ses discours enflammés.

2) Relations tendues en droit musulman classique

Partant du Coran et de la Tradition de Mahomet, les deux sources du droit musulman, les juristes musulmans classiques divisent le monde sur la base de l'appartenance religieuse.

Il y a avant tout la Terre d'Islam. Il s'agit des régions où les musulmans ont la domination politique. Dans ces régions il y a d'un côté les musulmans, et de l'autre côté les non-musulmans qui, selon la croyance musulmane, deviendront tôt ou tard musulmans. Les non-musulmans sont soit des Gens du Livre (juifs, chrétiens, sabéens, zoroastriens et samaritains), soit des polythéistes. Les Gens du Livre ont le droit de vivre en Terre d'Islam en gardant leur foi mais doivent accepter des restrictions. Ainsi ils paient un tribut et ne peuvent épouser une musulmane (alors que le musulman peut épouser une non-musulmane). D'autre part, un non-musulman est encouragé à devenir musulman, mais il est interdit, sous peine de mort, à un musulman de changer sa religion. Quant aux polythéistes, ils ne peuvent vivre dans la Terre d'Islam et n'ont le choix qu'entre la guerre ou devenir musulmans. La péninsule arabique a un statut particulier, aucun non-musulman ne peut y résider.

En dehors de la Terre de l'Islam, il y a la Terre de la guerre souvent appelée Terre de la mécréance. Selon la croyance musulmane, tôt ou tard ces régions doivent être conquises et passer sous domination musulmane. On rapporte que Mahomet avait envoyé aux dirigeants des pays limitrophes des messages les invitant à devenir musulmans. S'ils refusent, ils doivent se soumettre à son pouvoir politique et payer le tribut au cas où ils font partie des Gens du Livre. S'ils refusent de se convertir ou de se soumettre, ils doivent se préparer à la guerre.

Le Coran dit: "Ne faites pas appel à la paix quand vous êtes les plus forts" (47:35). Les juristes musulmans classiques estiment que le chef de l'État musulman ne peut conclure la paix avec les pays non-musulmans que si ces derniers ont la supériorité militaire. On retrouve cette conception chez Abu-Youssof (d. 798) et chez Al-Mawardi (d. 1058). Ce dernier nomme parmi les devoirs du chef de l'État:

Combattre ceux qui, après y avoir été invités, se refusent à embrasser l'islam, jusqu'à ce qu'ils se convertissent ou deviennent tributaires, à cette fin d'établir les droits d'Allah en leur donnant la supériorité sur toute autre religion.

Il précise que si les adversaires se convertissent à l'islam, "ils acquièrent les mêmes droits que nous, sont soumis aux mêmes charges, et continuent de rester maîtres de leur territoire et de leurs biens". S'ils demandent grâce et réclament une trêve, cette trêve n'est acceptable que s'il est trop difficile de les vaincre et à condition de les faire payer; la trêve doit être aussi courte que possible et ne pas dépasser une durée de dix ans; pour la période qui dépasse ce délai, elle devient sans valeur.

Trois siècles plus tard, Ibn-Khaldun (d. 1406) écrit que les musulmans sont légitimés à mener une guerre offensive du fait qu'ils ont une mission universelle visant à amener toutes les populations à entrer dans la religion musulmane, bon gré mal gré. Ceci n'est pas le cas des adeptes des autres religions qui n'ont pas de mission universelle; ils ne peuvent mener une guerre que pour se défendre.

Selon la doctrine musulmane classique, les musulmans n'ont pas le droit d'émigrer vers la Terre de la mécréance et tout musulman qui y vit doit la quitter pour aller vers la Terre d'Islam afin d'être régi par le droit musulman, d'augmenter le nombre des musulmans et d'affaiblir le camp des mécréants. En application de cette doctrine de la migration, les musulmans ont quitté les pays qui ont été reconquis par les chrétiens comme c'est le cas de la Sicile et de l'Andalousie.

 

3) Survivance de la conception classique

Après avoir subi la colonisation et avec la fin de l'empire ottoman et la suppression du califat en 1924, le monde musulman s'est divisé en États nations qui font partie des Nations Unies. On se trouve ainsi face à une nouvelle donne géopolitique à laquelle les auteurs musulmans modernes essaient d'adapter l'ancienne division entre Terre d'islam et la Terre de guerre.

Ainsi Abu-Zahrah (d. 1974) affirme que le monde actuel est uni par l'ONU dont les membres se sont engagés à respecter les lois. Le Coran exige dans ce cas le respect de tous les engagements (17:34). De ce fait, les pays non-musulmans membres de cette organisation ne sauraient être considérés comme Terre de guerre mais Terre de traité (Dar ahd).

Malgré cela, les ouvrages à connotation religieuse continuent à qualifier les pays non-musulmans de Terre de mécréance, et leurs habitants de mécréants (kafirs), qualificatif donné aussi à tous les non-musulmans, y compris les chrétiens et les juifs, qui sont ressortissants des pays musulmans et occupent parfois des postes ministériels dans ces pays. D'autre part, les mouvements islamiques qui cherchent à prendre le pouvoir dans les pays musulmans tendent à réhabiliter l'ancienne division entre Terre d'islam et Terre de guerre. Ceci est plus ou moins clairement énoncé dans les projets constitutionnels que ces mouvements ont déjà préparés en vue de leur accession au pouvoir.

Ainsi le projet constitutionnel du Parti de libération stipule: "Le jihad est un devoir pour les musulmans". Le commentaire précise qu'il faut commencer par appeler les mécréants à la foi musulmane. S'ils refusent d'y adhérer, alors seulement, il faut les combattre. Ce projet interdit les traités de neutralité absolue parce qu'ils réduisent le pouvoir des musulmans, ainsi que les traités de délimitation permanente des frontières parce qu'ils signifieraient la non-transmission de la foi musulmane et l'arrêt du jihad. Ce projet va jusqu'à prévoir le paiement du tribut par les non-musulmans qui vivent en Terre d'Islam. Il interdit l'adhésion des pays musulmans à des organisations internationales comme les Nations Unies.

Tant la doctrine musulmane moderne que les projets constitutionnels des mouvements islamistes restent opposés à la migration des musulmans vers les pays non-musulmans, et à plus forte raison l'obtention de la nationalité d'un pays non-musulman. Un chrétien d'un pays non-musulman qui devient musulman doit renoncer à sa nationalité, quitter son pays et aller habiter dans les pays musulmans. Cette conception va à l'encontre de la tendance actuelle des musulmans qui émigrent en masse vers les pays non-musulmans. Conscients de cette réalité, les auteurs musulmans demandent à ces émigrés musulmans de rester fidèles à la loi islamique en tant qu'exigence de leur foi et de ne pas se laisser intégrer dans la société mécréante. A titre d'exemple, l'exigence de cimetières musulmans s'inscrit dans cette ligne.

Comme la foi islamique interdit à un musulman de se soumettre à un pouvoir mécréant, à des tribunaux mécréants et à des lois mécréantes, on assiste à des velléités d'indépendance de la part des minorités musulmanes comme en Union soviétique et en Ex-Yougoslavie. Ce phénomène se répètera dans d'autres pays occidentaux lorsque les musulmans seront assez nombreux. Signalons ici que les musulmans en Angleterre ont formé leur propre parlement en 1992. Aux États-Unis, des musulmans noirs ont fondé en 1930 l'organisation Nation de l'islam dont le but est de créer un État musulman indépendant. Les États occidentaux, tôt ou tard, traverseront une zone de turbulence qui menacera leur unité territoriale et la paix confessionnelle. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à parler d'une troisième invasion musulmane. Les pays occidentaux doivent chercher des moyens efficaces pour assimiler les musulmans et leur refuser l'application de leurs normes religieuses discriminatoires et contraires aux droits de l'homme.

4) Résurgence islamiste dans les pays musulmans

Le droit musulman classique ne comporte pas seulement la semence de la tension avec les pays non-musulmans, mais aussi à l'intérieur des pays musulmans. La foi islamique exige une soumission aux normes islamiques sur tous les plans. Or ceci n'est pas le cas dans les pays musulmans. Ainsi les mouvements islamistes exigent de leurs régimes un retour au droit musulman classique et le rejet des lois et des attitudes de vie inspirées de l'Occident mécréant. Le régime des Talibans, ces étudiants en théologie, est un indicateur de ce que pourrait devenir la situation où cas où d'autres mouvements islamistes prennent le pouvoir. En bref, cela signifie le retour au droit pénal musulman, à des restrictions en matière de liberté d'expression, à une détérioration du statut de la femme et des non-musulmans, voire au retour à l'esclavage que certains auteurs musulmans prônent ouvertement.

On peut à cet égard dire que les musulmans vivent aujourd'hui en état de schizophrénie, partagés entre les exigences de leur foi tel que prévues par les légistes classiques et la nécessité de s'adapter à la vie moderne. Cette schizophrénie se traduit par des tensions violentes entre les régimes en place et les mouvements islamistes comme c'est le cas en Égypte, en Algérie et en Turquie.

La situation politique des pays musulmans n'est pas pour arranger les choses. On constate à cet égard que les pays musulmans sont aujourd'hui en phase de colonisation de la part de l'Occident avec de nombreuses bases militaires, ce qui est contraire au droit musulman. La tragédie palestinienne et le soutien que l'Occident accorde à Israël mettent les relations entre les régimes musulmans et les pays occidentaux à rudes épreuves. La population, qu'elle soit acquise aux thèses des islamistes ou non, accuse les régimes arabo-musulmans de trahison. Ceci  renforce la position des mouvements islamiques. Même des chrétiens arabes exigent une attitude plus ferme de la part des régimes arabes dans leurs relations avec l'Occident. Certains réclament la sortie de leurs pays de l'Onu devenue une organisation mafieuse au service des grandes puissances et du sionisme au détriment de la justice, cette organisation étant accusée notamment d'être responsable de la tragédie palestinienne.

5) Comment sortir du cercle vicieux? 

La conception musulmane du droit avec une forte emprise de la religion est sans doute responsable de la tension dans les relations entre les musulmans et les non-musulmans, ainsi qu'entre les musulmans et leurs régimes respectifs. Sans une révision en profondeur de cette conception, il n'est pas possible de réduire cette tension. C'est d'ailleurs le même phénomène qu'on observe avec la conception juive du droit. Contrairement à l'Évangile, la Bible des juifs et le Coran des musulmans comportent de nombreux textes qui privent l'individu et la société de la liberté de décision. De ce fait, sur le plan juridique, il est faux de parler de culture judéo-chrétienne. Il faudrait plutôt parler de culture judéo-musulmane.

Pour pouvoir sortir de ces problèmes, il faudrait réhabiliter le rôle de l'être humain et réduire le rôle de la divinité et de la religion. Le philosophe égyptien Zaki Najib Mahmud (mort en 1993) n'hésite pas à dire que les pays arabes doivent, pour construire une société moderne, extirper de leur esprit l'idée que se fait l'Arabe de la relation entre le ciel et la terre, idée selon laquelle "le ciel a commandé et la terre doit obéir; le créateur a tracé et planifié, et la créature doit se satisfaire de son destin et de son sort". Mais pour ce faire, il faudrait que les musulmans comme les juifs connaissent un siècle des lumières similaire à celui qu'ont connu les occidentaux. Ceci implique la création de régimes véritablement démocratiques qui ne discriminent pas les individus sur la base de la religion et du sexe pour des raisons de normes religieuses dépassées.

A côté de cette exigence, il est nécessaire d'assainir les rapports politiques entre les Occidentaux et les pays arabo-musulmans. Les Occidentaux doivent cesser leur soutien aveugle à Israël et résoudre le problème palestinien sur la base de la justice afin que les gens n'aient pas le sentiment que l'Occident est en train de les coloniser et de les humilier, les poussant au désespoir et au suicide. Les Occidentaux doivent aussi supprimer leurs bases militaires dans le monde arabo-musulman et changer foncièrement la structure des Nations Unies pour la rendre plus démocratique, plus juste et moins mafieuse.

Deux stratégies s'affrontent aujourd'hui dans les relations internationales: la stratégie romaine et américaine qui dit: "Si tu veux la paix, prépare la guerre". Et l'autre stratégie qui dit: "Si tu veux la paix, prépare la justice". Cette stratégie de la justice est énoncée dans le texte du prophète Isaïe: "La paix sera le fruit de la justice" (32:17). J'estime que sans justice il ne peut y avoir de paix. Celui qui sème l'injustice récolte la barbarie. Ceci est valable au Proche-Orient comme partout ailleurs.

Certains pensent que la justice consiste à juger les criminels de guerre ou les auteurs des attentats. Ceci à mon avis ne sert qu'à amuser le public, à donner bonne conscience aux vainqueurs et à leur éviter un examen de conscience. Cette politique est néfaste pour la société et la morale parce qu'elle donne l'impression que seul le fort a raison. D'où la course aux armements. De ce fait, je préfère les commissions de conciliations comme en Afrique du Sud au tribunal pénal international. La justice ne consiste pas à juger quelques marionnettes. Si vous avez attrapé la malaria, cela ne sert à rien de courir derrière le moustique qui vous a piqué; il faut plutôt savoir d'où il vient, pourquoi il existe des marais et comment on peut les assainir. Et à mon avis, la politique occidentale, notamment celle des États-Unis, est largement responsable du malaise politique que nous vivons tous. Ben Laden n'est qu'un pseudonyme. Son vrai nom c'est la misère et l'injustice. Tant que nous n'avons pas mis la main sur la misère et l'injustice dans le monde, nous continuerons à vivre dans la hantise des mauvaises surprises comme celles du 11 septembre, et probablement avec des conséquences encore plus dramatiques. Pensez à un attentat contre une centrale atomique. Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende: le 11 septembre doit nous inciter tous à nous repentir et non pas à nous venger en nous trompant de cible parce que le vrai coupable du 11 septembre est caché dans chacun de nous et non pas dans les montagnes de l'Afghanistan comme le prétendent M. Bush et consorts.



[1]    Chrétien arabe d'origine palestinienne et de nationalité suisse. Docteur en droit, diplômé en sciences politiques. Responsable du droit arabe et musulman à l'Institut suisse de droit comparé, Lausanne. Auteur de nombreux ouvrages et articles sur le droit arabe et musulman et le Proche-Orient. Voir la liste et certaines de ses publications dans son site: http://www.go.to/samipage 



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