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Un
ciel de guerre..... |
C’était
donc un samedi. Un de ces beaux
samedis d’un printemps précoce tels que nous les aimions : Atmosphère claire
et ouatée, ciel d’azur avec de ci de là un de ces petits nuages blancs que j’affectionnais
tant, odeurs enivrantes des plantes multiples qui environnaient la maison et qui
manifestaient à leur manière la joie du renouveau. Il était midi.
Nous étions à table. Depuis
plusieurs jours nous entendions le ronronnement lointain des avions de reconnaissance des
troupes alliées. Nous nous étions habitués à ce bruit qui aurait pu être inquiétant
mais qui réjouissait nos parents car il présageait l’arrivée prochaine de nos
libérateurs : nous n’étions pas abandonnés ! Ce samedi là
le ronronnement s’était considérablement rapproché et avait pris rapidement l’allure
d’un effroyable vrombissement qui emplissait le ciel tout entier. Laissant nos
assiettes, nous nous étions précipités sur le balcon pour voir et pour comprendre. Le ciel de Sfax
avait perdu sa douce sérénité. C’était maintenant un ciel de guerre. Une multitude d’avions alliés
chargés de bombes vengeresses survolaient le port et la gare et commençaient à larguer
avec frénésie leur redoutable chargement. Les explosions se rapprochaient au fur et à
mesure que les tirs se faisaient plus précis. Mon père
ordonnait brutalement le repli dans la pièce la plus éloignée de la rue et il était
temps. Les vitres de nos fenêtres éclataient sous la pression du souffle des bombes qui
maintenant tombaient de plus en plus près de la maison. A la première
accalmie la décision était prise d’aller s’abriter sous le porche de l’entrée
de l’immeuble où se trouvaient déjà la plupart de nos voisins. L’angoisse
marquait maintenant tous les visages. Certaines voisines pleuraient et hurlaient de peur
à chaque nouvelle explosion. Dans cette ambiance de terreur la panique m’avait pris
et, en guise de protection, je m’étais réfugié sous la jupe longue et ample d’une
de nos voisines amies ce qui avait eu pour effet de détendre un moment l’atmosphère.
J’y étais resté jusqu'à la fin du premier bombardement. Et que faire
maintenant ? C’était décidé, nous devions quitter la maison pour nous
éloigner du périmètre stratégique où anglais et américains allaient poursuivre sans
relâche leur œuvre destructrice afin de préparer le terrain à une prochaine
offensive terrestre. Il fallait aller à la campagne très loin du port et de la gare. Entre deux
accalmies ma mère était remontée dans l’appartement pour regrouper rapidement
quelques affaires indispensables tandis que mon père, son feutre vissé sur la tête,
était parti en courant à travers les rues de la ville pour aller récupérer à l’usine
à huile la calèche familiale tirée par notre bon vieux cheval que nous appelions
Tarzan. Deux heures
après il était de retour exténué par la course à laquelle il s’était astreint
et nous attendait dans la rue, en bas de la maison. Ma mère avait tiré précipitamment
la porte de l’appartement. Une valise à la main, deux couvertures sous le bras elle
dévalait deux à deux les marches de l’escalier ses trois enfants accrochés l’un
à son bras, les deux autres à sa jupe et
elle nous installait sans mot dire dans la calèche pour fuir cette zone devenue
maintenant infernale. Tandis que nous
partions et que montaient derrière nous d’inquiétantes colonnes de fumées noires,
mon père - tout en fouettant nerveusement Tarzan – avait murmuré sans
conviction :
«
Nous allons passer la nuit à la villa de l’oncle Albert et demain nous
reviendrons chez nous. » Nous autres,
les petits, blottis contre notre mère, regardions disparaître dans le lointain la maison
où nous étions nés sans nous douter que plus jamais nous ne reverrions ce gentil petit
immeuble encore plein de nos cris d’enfants.
Le
jardin de mon oncle. Sfax était en
état de choc. Les premiers tirs de l’aviation alliée avaient été pour le moins
imprécis. Des bombes étaient tombées au milieu de la ville semant une panique
indescriptible. Des militaires en armes couraient dans tous les sens, des camelots
ambulants, profitant de la fin de l’alerte, remettaient leurs affaires en place et
rentraient précipitamment chez eux. Des hommes et des femmes terrorisés marchaient comme des automates sans
doute pour rejoindre leurs habitations. Sur
la route que nous avions prise et qui menait hors de la ville, nous n’étions pas
seuls. A pied, en vélo-taxi, en calèche, en automobile, des familles entières s’enfuyaient
hors de la ville pour s’éloigner des zones exposées aux bombardements. Dans cette
foule, mon père avait reconnu quelques amis ou relations et il les interpellait pour en
savoir un peu plus sur l’ampleur des dégâts : « Le
quartier de la rue de la République a été terriblement touché » affirmait
quelqu’un qui courait à côté de notre attelage. A cette information le visage de
mon Père s’était assombri. C’était là précisément où se situait son
bureau et son entrepôt rempli de marchandises diverses qui constituaient le fond de son
commerce. « Le
théâtre est à moitié démoli »
criait à la cantonade une autre personne
comme pour être entendue de tous. « Il
paraît que la villa de votre cousin Jules est complètement détruite » criait une
dame à l’adresse de ma Mère dont le visage fatigué était maintenant complètement
défait à l’annonce de cette nouvelle. Nous avions
bifurqué sur la route de Madhia. La voie était un peu moins encombrée, Tarzan donnait
à présent le meilleur de lui-même et mon Père l’encourageait du mieux qu’il
pouvait en émettant des claquements de langue qui semblaient stimuler notre bon vieux
cheval. La
« campagne » de notre
oncle n’était plus maintenant très loin. Il fallait traverser un grand passage à
niveau qui nous éloignait définitivement du
danger de la gare ferroviaire, longer l’école catholique tenue par des religieuses
où ma Mère et ses soeurs avaient appris à broder et à jouer du piano, passer devant
une magnifique villa construite en forme de bateau et nous voici arrivés devant le
portail de la maison qui devait provisoirement nous accueillir Nous autres « citadins » nous aimions
beaucoup cette villa qui nous offrait des charmes auxquels nous n’étions pas
habitués et surtout le sentiment d’une grande liberté. Nous pouvions entrer et
sortir de la maison sans autorisation car la clôture du pavillon nous empêchait d’atteindre
la route toute proche. Mais ce qui nous plaisait le plus c’était le jardin. Devant la
maison, des espaces garnis de fleurs multiples et variées que le jardinier avait
admirablement composés. En dégradé, une rangée de géraniums rouge vif doublait et cachait pour partie la clôture de
pierre. Entrecoupés d’allées, des massifs d’œillets multicolores, de
gueules de loup, de pois de senteur, d’iris violets, de rosiers à fleurs rouge sang
et rose tendre formaient d’étonnants et merveilleux parterres de fleurs. Enfin, en
bordure, des tapis de capucines oranges, de pensées et de lantana camara dont les fleurs
nombreuses réunies en capitules arrondies passaient du jaune pâle au jaune doré pour
finir à l’orange au fur et à mesure de la floraison. Derrière la
maison c’était un autre style que j’aimais plus encore. C’était le
potager avec ses rangées bien alignées de poireaux, carottes, haricots verts, jeunes
salades, radis le tout croissant à l’ombre de deux magnifiques citronniers
chargés de fruits en permanence renouvelés Et tout au fond du jardin, dans une étable
improvisée, deux magnifiques vaches suisses que mon Oncle avait eu le bonheur d’acquérir
avant le début de la grande pénurie alimentaire. Enfants, nous étions fascinés par ces
deux bêtes énormes aux yeux et aux mouvements si doux. Aussi allions nous
régulièrement leur tapoter le flanc en signe d’amitié et regardions avec
émerveillement le jardinier extraire de
leurs mamelles gonflées un lait fumant qui n’allait pas tarder à remplir les bols
de nos petits déjeuners.
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