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L'HERITAGE


   

Bien après le départ de mes chers parents j'ai réalisé qu'ils m'avaient laissé un héritage culturel et spirituel qui ne me paraissait pas important en son temps. Ce n'est que des années après leur départ que je commençais à me rendre compte de leur portée. Les départs de ces êtres se passaient en silence sans qu'on puisse échanger un mot, car ceux qui partent et ceux qui les entourent n'osent pas penser ou même accepter la fin sur terre de ceux qui nous sont chers. Seule la douleur des vivants se fait sentir. De par mon expérience je savais bien que rien au monde ne pouvait enlever la peine intérieure d'une personne. Chacun souffre à sa façon dans la solitude. Seul le temps peut cicatriser la douleur.

Voilà que déjà plusieures années sont passées depuis que toutes ces personnes que j'aimais nous ont quittés l'une après l'autre. Ils ont laissé leurs corps qui leur avait servi durant de longues années. Ce n'est que maintenant que j'essaye de mettre par écrit mes sentiments de jadis, que je pensais garder pour moi seul, en faisant revivre ces êtres. Ils m'avaient enveloppé de leur amour et m'avaient enrichi de leurs expériences et de leurs histoires. Nous ne nous rendions même pas compte que nous vivions dans la grâce avec nos concitoyens.

Aujourd'hui, après tant d'années, je me rend compte, combien nos obligations quotidiennes nous préoccupent et nous privent du loisir de laisser libre cours à nos mémoires . On est tellement pris par les soucis du jour, qu'on devient insensible tant au passé qu'au présent. Hélas on ne reconnaît le présent que lorsqu'il devient passé.

Mais devant l'absence d'un de nos chers aînés, toutes les obligations nous paraissent aujourd'hui banales . Il nous reste qu'à donner du respect à la personne qui part en assistant ses proches et en gardant son esprit vivant par tout ce qu'elle nous a laissé.

Nous devons passer parfois l'absurde pour réaliser et confronter la vérité.

Rien n'est aussi cher qu'une mère, un père ou des frères et des soeurs. Nous pensons souvent qu'il est nécessaire de faire ceci ou cela, mais rien n'est plus important que la famille. C'est le premier maillon d'une chaîne à laquelle nous étions physiquement et directement liés, qui se détache, lorsqu'un de nos proches nous quitte. Ce n'est qu'une fois les choses passées, que l'on se rend compte du degré de leur importance. Nous sommes bridés par les chaînes de l'existence matérielle, par la peur de l'inconnu, par des souffrances que nous avons connues par nos propres expériences et par mille et une choses qui en réalité n'ont aucune importance. Nous sommes ainsi inconsciemment hantés par les soucis du lendemain. La peur nous paralyse et nous déprive de nos meilleures facultés. La peur n'a jamais fait du bien à personne. Elle nous fait prendre des décisions avec hâte et sans réflexion. Elle nous diminue et essaye de nous ensevelir jusqu'à être presque à sa merci. Parfois elle nous sauve quand elle nous retient de faire quelque chose qui pourrait être nuisible. J'ai vu le départ de mes tantes, mes oncles, mes grands-mères et grands- pères, de mon père, de ma mère et d'autres membres de la famille, des amis ou simplement des personnes qu'on a connu dans un moment ou un autre. Certes, ils nous ont manqué parfois même de leur vivant, dû à l'éloignement ou tout simplement par le manque de temps. Maintenant ils nous manqueront pour la durée de notre vie sur cette planète. Ainsi c'était pour tous les vieux membres de la famille, puis pour les amis que nous aimions et que nous avons vus passer l'un après l'autre. Les scènes tristes se répètent tous les jours, une fois pour l'un, une fois pour l'autre et la vie continue. Aujourd'hui je regrette de n'avoir pas eu l'occasion de partager longuement leurs histoires et de demander les questions qui ne me venaient pas lorsqu'ils étaient encore parmi nous. Il fallait leur dédier plus de temps et d'attention, ceci aurait ajouté une richesse aux trésors spirituels qui'ils nous ont laissé.

Aujourd'hui seulement nous réalisons qu'ils ne nous ont pas vraiment quittés et parfois nous sentons leur présence en nous-mêmes. Leurs histoires, leurs chansons de geste, leurs paroles de sagesse, leurs proverbes et leurs expressions nous accompagnent. Ceux-ci les font revivre en nous dans les moments de besoin.

Ils ne sont plus physiquement avec nous mais ils vivent en nous. Ils nous paraissent aujourd'hui plus proches de nous qu'ils ne l'avaient jamais été. Aux moments de tristesse on ne sait pas toujours exprimer ce que l'on ressent au fond de son coeur.

C'est ainsi que j'avais pensé formuler ma prière en plongeant dans le passé et en faisant revivre mes sentiments pour ces êtres à travers leurs histoires ou par leur façon de vivre, en relatant un épisode ou un autre. Je suis retourné dans mon pays et à ma ville pour revoir les choses dans l'esprit de jadis. Ils nous ont laissé un héritage qui seulement après tant d'années nous dévoile son vrais sens et sa juste valeur. C'est ainsi que je pense exprimer ma gratitude envers tous les êtres que j'avais connu.

Nous devons d'abord passer nos propres expériences, pour pouvoir mieux juger le vrai et le faux, les bonnes et les mauvaises expériences. Certes il y a l'histoire qui nous sert aujourd'hui de leçon, que ce soit celle apprise à l'école ou dans les universités ou simplement celle qui nous a été transmise de vive voix.

Mais il y a aussi les histoires de chaque pays, de chaque peuple, de chaque famille et de chaque être, même si celles-ci représentent un témoignage familial, elles constituent tout de même des preuves de mémoire individuelle et collective.

Je ne peux pas raconter l'histoire de chacune des personnes que j'avais connues, même si je l'avais voulu, car il me manquerait les détails de l'une ou de l'autre. Le plus que je peux faire pour mes enfants, pour la future génération et pour les êtres qui ont la même affinité que moi, c'est de relater les choses qui m'avait aidé à passer mes propres expériences et qui m'ont aidé à trouver mon chemin. C'est à eux que je m'adresse. Chacun jugera pour lui-même, ce qui est à prendre ou à laisser. En somme chacun doit passer ses propres expériences et ce ne sont que celles-ci qui comptent. Il fallait que je plonge parfois à travers plusieurs générations et à travers différentes époques que j'avais connues. J'ai même plongé dans l'histoire lointaine pour extraire certains faits, afin de donner une certaine authenticité qui permettra à chacun d'extraire ce qui sera pour lui le plus essentiel.

Je me suis appliqué surtout à faire ressortir ce qui pourrait servir de trait d'union entre différentes époques, différents peuples et différentes personnes. Que ce soit notre histoire ou celle des autres, elle renferme en elle beaucoup de bons et de mauvais exemples qui contiennent des vérités. J'ai préféré chercher ceux qui me semblaient bons, ceux qui pourraient unir et ceux qui pourraient nous enrichir. Le choix est donné à chacun de prendre du tas de ces exemples, ceux qui pourraient l'aider dans sa vie. Si nous devions nous poser des questions, pourquoi ce fut ainsi et pas autrement, ou nous arrêter que sur le negatif, nous nous bloquerions nous- mêmes les voies qui pourront nous conduire vers la vie de demain et vers la vie tout court. Tout n'est pas parfait dans la vie mais tout n'est pas imparfait non plus. Il ne peut y avoir qu'un seul parfait. C'est à nous de savoir discerner le meilleur qui nous entoure et qui saute à nos yeux. Regardons un peu la nature, les belles fleurs, les oiseaux, les belles musiques, les belles peintures, la littérature, l'art de vivre, les belles choses qui nous font plaisir. Ce n'est qu'alors qu'on se rend compte que les questions que nous nous avons posées sont fausses à la base. Il faut enfin les rédiger autrement pour trouver la juste réponse. Notre devoir est d'aspirer au parfait sans se soucier des resultats. L'essensiel est de faire de son mieux. Le reste il faut le laisser a la grâce.

En fouillant dans ma mémoire et surtout dans les sentiments les plus profonds et les plus honnêtes avec moi-même, je retombe dans mes origines, car c'est bien en elles que je peux puiser mes forces. L'origine de l'homme commence d'abord par lui-même, puis par la famille, par la ville où il est né et ce n'est qu'ensuite que l'ont cherche le peuple ou la nation auquels on appartient. Chez les Juifs ces rapports sont complexes. On se demanderait si les millénaires ou les siècles passés sont les plus proches. Est-ce l'appartenance religieuse, nationale ou l'action de soi-même qui déterminera notre futur et notre existence? Est-ce l'histoire des générations que nous connaissons ou celles du destin de notre peuple qui nous dicterait le chemin à suivre? Les peuples avec lesquels nous avons une langue commune? une culture commune? une musique commune? un mode de vie semblable? ou d'autres qui sont reliés à nous par l'histoire? par la religion? par la nation où nous vivons, qui détermineront notre vie? Le choix est très vaste et compliqué. Plus le choix est grand plus notre décision est incertaine. Il est à nous de discerner et de donner priorité à qui nous le voulons, parfois juste et parfois fausse. Les meilleures décisions que j'avais prises dans le passé ont été celles que j'avais prises par nécessité. La nécessité est la loi de l'univers. Mon père disait:

- "Es Sbab Y Kasser Es Slassel Lahdid" (La nécessité brise les chaînes en fer). Une fois que nous avons pris conscience des faits, c'est là où il faut être honnête avec soi-même et les autres, sans chercher à vouloir plaire ou jouer la comédie, car dans le fond c'est à nous-mêmes que nous devons en fin de compte répondre pour être en paix avec notre propre conscience. Il suffit de faire une petite promenade à travers les diverses expériences que nous avons passées, à travers les années et à travers les histoires vivantes que nous avons vécues ou connues, pour que nous constations que les êtres que nous avons connus sont vivants et nous accompagnent tout le long du chemin que nous fait parcourir la vie. C'est ainsi que nous constatons que nous avons en fait un énorme héritage duquel nous pouvons puiser selon nos besoins quotidiens. Une source inépuisable d'eau claire est constamment à notre disposition, en brèf, des trésors cachés.

L'essentiel est de reconnaître tous les sentiments en nous. Chaque sentiment est une force indépendante sans conscience. C'est à nous de savoir les diriger de sorte qu'elles soient toutes unies avec notre conscience. C'est ainsi que nous réalisons que grâce à ces sentiments notre conscience s'enrichit d'un pouvoir considérable.

Ce qui me paraît aujourd'hui remarquable, ce sont les bons liens qui ont existé entre les diverses communautés de notre ville. L'existence même de la société ouverte qui était composée de diverses ethnicités et confessions était la base de la mosaïque de la société tunisienne. Ce sont les souvenirs de ce que nous-mêmes nous avons vécu, qui nous animent. Ce sont les liens de famille ou de notre enfance qui nous réveillent. C'est bien le pays où nous sommes nés qui nous relie, car c'est là que se trouvent le début de l'enfance et la pureté de notre être.

S'il n'est pas possible de revivre dans son sol natal pour des raisons de famille, sociales ou autres, la terre qui nous a fait naître est aussi un héritage qui mérite d'être soigné. Même si nous vivons actuellement parmis d'autres sociétés, sous d'autres cieux, les souvenirs de notre enfance nous accompagnent. On ne peut effacer d'un coup d'éponge des siècles de vie harmonieuse et paisible, pour une raison ou une autre. Il faut être honnête afin d'éviter de fausser les faits de notre histoire. Nous sommes nous-mêmes une part integrale de cette histoire. Chacun a des membres de sa famille enterrés ici ou là.

Mon père disait:

- "En respectant les morts on respecte les vivants." Il y a aussi un héritage physique et visible de tout ce que nos ancêtres nous ont laissé. Il serait bien de le mettre en valeur, ne serait-ce que pour nos enfants d'abord, ensuite pour les habitants de la ville et après pour les autres et pour l'histoire .

EMILE TUBIANA

           

 

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