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Les “mauvaises-rues” à la périphérie de la Hara


   

  Le commerce de la chair était omniprésent autour de notre adolescence au ghetto. Loin d’etre des consommateurs nous en avions subi l’existence sans trop de ressentiments. Les adolescents en parlaient ouvertement. Ils échangeaient leurs expériences et leurs avis devant les plus jeunes.

  C’est sans malaise que je vais décrire ici  certaines de ces institutions qui étaient aux limites de la  Hara. Il y avait aussi des maisons closes qui ressemblaient, disait-on, à celles de Marseille ou de Paris d’avant la deuxième guerre, mais c’est sans intéret pour notre récit.

  Etait ce à cause de ce voisinage que ses dames étaient  rarement appelées Kahba (prostituée) mais Douniya (mauvaise), entendant par là, une fille de mauvaises conduites .

  Ce sujet pouvait paraitre banal, si ce n’était la diversité de classes de ces établissements. Il y en avait pour tous les gouts et toutes les bourses.

 

Le plus grand s’appelait Sidi Abdellah Guesh. (A-G sur le plan) C’était un labyrinthe de ruelles très étroites qui, des fois, permettaient à peine à 2 personnes qui se croisent, de passer sans se froler. Des deux cotés de ces ruelles s’alignaient, des centaines de petites cellules carrées, l’une après l’autre. Ce quartier tentaculaire avait son centre entre la rue Zarkoun, la rue de la verrerie et la rue des glacières. Les familles n’habitaient pas ces ruelles, mais les jeunes prenaient un malin plaisir de les traverser en prenant un raccourci et se rincer les yeux.  La dame était, presque toujours, assise à la porte de sa cellule dans une tenue très légère, l’hiver elle portait dessus une robe de chambre aux couleurs criardes. Elle était le plus souvent accompagnée d’un petit chien. L’intérieur n’avait pas de traits personnels. Le nécessaire, ou l’obligatoire, se trouvait chez toutes. Il y avait un lit, et des ustensiles de toilette, comme, un évier ou quelque chose qui servait d’évier, une jarre d’eau et un broc. L’eau courante n’existait pas, dans la plupart des cas. Il y avait du savon et beaucoup de papiers de toilette, parce que la séance commençait et finissait toujours par une ablution obligatoire, pratiquée par la maitresse du lieu. Les plus célèbres portaient des noms d’artistes de cinéma de l’époque. Il y avait de tous les ages, de toutes les formes et de toutes les races.

Le controle médical et hygiénique était très stricte. Certains matins, sur notre chemin d’écolier (les écoles secondaires étaient hors du ghetto), on les voyait, portant leurs meilleurs habits, partir en fiacre pour passer la visite médicale hebdomadaire.

 

                          Plan de la Hara, avec localisation approximative des places citées.

La légende disait qu’il y avait une dame spécialisée dans l’Initiation, à qui les adolescents avancés  prenaient les jeunes Bar Mitsva pour gouter, avec la première cigarette, le fruit défendu. Etait-ce vrai? Je n’ai jamais eu l’occasion de le vérifier .

On croyait aussi que l’acte même, affaiblissait l’homme et qu’il fallait manger une banane tout de suite après. Pour cette raison on trouvait des vendeurs ambulants qui proposaient ce fruit à la sortie des ruelles.

Lors de ma visite à Tunis en l’an 2000, j’ai osé demander à mon guide des détails sur le devenir de ce quartier. Il me répondit que très peu a changé depuis. C’était par respect pour nos compagnes que je ne lui ai pas demandé de nous faire une visite guidée, là bas.

 

 Derrière le cinéma Odéon, qui se trouvait à la place Bab Carthagéne (B-C sur le plan), juste à la sortie de la rue des oies, il y avait trois ou quatre de ces dames. Comment les oublier, on les voyait chaque fois qu’on passait par là bas pour sortir du ghetto. Ces pauvres créatures engendraient plutot la pitié par leur age avancé et leur corps gros et difforme. Leur isolement faisait penser qu’elles étaient les retraitées de là bas.  Leurs rares clients étaient les vendeurs ambulants de la rue Sidi Bou Hdid, qui était très animée dans les années 50.

 

 A moins de cinq cents mètres de là et à un autre bout du ghetto, se trouvait une autre institution qui était un peu spéciale. C’est la Houmet Ajraba (H-J sur le plan), la rue des Djerbiens. Ce qui la distinguait  c’était sa ‘pureté’ (non hygiénique mais, religieuse). Ces dames étaient permises seulement aux males Arabes. Les autres ne pouvaient circuler sans danger dans ce lieu. Seuls les gosses qui habitaient la rue Sidi Khlef, une rue parallèle, pouvaient voir cette ruelle à partir des toits de leurs maisons.

 

 L’institution la plus insolite était celle qu’on chuchotait avec grimace et qui portait le nom de “Ali Ouaki” (A-O sur le plan). C’était une petite maison close (et fermée) placée juste derrière la rue Sidi Bou Hdid. On disait que là bas les hotes étaient des hommes. La rue était habitée. La maison avait une porte bleue et au deuxième étage quelques fenètres de fer forgé, derrière lesquelles apparaissait, furtivement, un visage dont on ne pouvait définir le sexe.

 La langue Judéo Tunisienne a donné à ces hommes un nom hébraique pris de la Bible. On les appelait les Toé’yba (les Abominables), d’ailleurs pas tout le monde savait exactement le sens du mot, mais le dégout et le mépris étaient dans ce péjoratif qu’on proférait des fois par colère, dans une discussion animée. Dans le folklore super masculin des hommes du ghetto c’était la pire des insultes. Il y avait peut etre des homosexuels parmi les membres de la communauté, ils se cachaient bien . Je ne me rappelle que d’un seul qui se déguisait en femme. Il était très heureux quand une ménagère acceptait qu’il l’aide dans ses taches  ou qu’on le traitait de fille.

 

Je pense que dans tous les lointains souvenirs qu’on raconte il y a un peu du subjectif ; surtout ceux qu’on a vécu durant une période chargée de nouvelles expériences comme l’est l’adolescence. Dans ces récits il ne manquera jamais une petite part de complaisance et d’imagination qu’on brode involontairement. Est ce ainsi que naissent les légendes?

 

 Pour moi, Tunis c’est mon adolescence. Et elle a été marquée par ce chapitre , comme par tant d’autres, et je vous remercie de l’avoir partagée avec moi.

 

Texte par Abraham Bar Shay (Benattia), Tivon, Israel.         

Email    absf@netvision.net.il

  

 

 

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