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LES BALANCELLES


   

 

LES  MEMOIRES D’UN GOULETTOIS

L’ENFANT DE LA GOULETTE

PAR ALBERT SIMEONI (BEBERT)

                                       

A mes amis  Italiens de la Picola ‘Chichilià’.

 

                                                                           LES BALANCELLES ‘

 

Via  ST CYPRIANO.

Il est deux heures du matin.

L’hiver n’a pas de manteau de neige, à la Goulette. Rarement. Un vent violent, vif, dur et humide, souffle depuis la mer. 3 jours dèja, que le mistral, balaie les rues nocturnes et désertes. Les volets sont clos. La pluie, sa compagne, n’est pas en reste. Noël n’est pas bien loin, au chevet,  de cette année qui se meurt. Les Italiens, les Maltais, les Siciliens et toute la chrétienté universelle consacre cette fête commémorative, en toute convivialité, chez eux. Et les familles, de la Picola Sicilià, sont très traditionnelles, leur ferveur ressemble à s’y méprendre à celle qu’on trouve, là bas dans les chaumières campagnardes du sud de l’Italie.

Ils ont  leur sainte Madonne, celle de Trapani, qui veille sur eux, qui veillent depuis bien longtemps sur cette communauté que D.ieu a bien voulu nous faire connaître et surtout apprécier et aimer. La patronne des marins, telle le phare des blocs, Bou Raz,  sans jamais s’endormir, accompagne nos marins pêcheurs, lors de leur sortie en mer.

                        ‘ Sainta Madonna di Trapani  chè  amma , vèdo, ….ascolta  nostri prèguiri….’ Amen.

                  (Sainte Madonna……………….. Que je j’aime, vois et entends nos prières..’)

Telle est l’invocation quotidienne, qu’ils adressent avant de prendre le large.

Giogio Carbone, 55 ans, patron pêcheur sur son ’Hirondelle’, père de 5 enfants travaille  sur sa balancelle depuis que –33 ans auparavant son père Amèdèo dit ‘Il Pèpé’ vieillissant et d’une voix grave lui dit un jour……

‘Figliolo…Basta cossi la scuolà ! è méglio il profumo dèl mare è dèl pèsce…’

 (‘Fils ……  Assez d’école …l’odeur de la mer et du poisson sont meilleurs pour toi…..’)

L’adolescent, pas très attiré par les études, suivit les conseils de son père et se retrouva à ses côté, apprenti.

Comme il le fait depuis cet âge, et sans jamais faillir un seul jour. Giorgio se lève en cette froide nuit du 22 décembre à 4 heures du matin, prenant soin de ne pas réveiller sa femme, Maria et ses 5 enfants qui dorment dans leur chambre ; les trois filles en bas âge ensemble sur un lit tandis que les deux garçons allongés à même le sol sur une couverture.

                                    ‘E l’orà… ?’

                                    (Il est l’heure’)

dit sa femme en ouvrant les yeux…

                                ‘Ma  ti è  svègliatà.. ?’

                               ( Mais ..Tu es réveillée… ?’)

Elle se lève, prépare un bon café chaud à son époux. Son mari, bien emmitouflé dans on ‘Cardigan’ noir s’apprête  à sortir. Maria, enveloppée d’un châle noir accompagne son époux au bas de l’escalier. Elle se signe, tandis que Giorgio bat le pavé qui mène à son ‘embarcadère’. Les berges des quais ‘Amiral Courbet’ et de ‘La Goulette ‘ sont en effervescence, comme tous les soirs de sortie de pêche en haute mer. Il relève son col et enjambe le parapet de ‘L’Hirondelle’ amarrée qui tangue sur les flots houleux. Ca siffle dans les oreilles. Quelques balancelles sont dèja parties. La lueur -  de leurs petits lampions  accrochés en haut des mâts – valse au grès de la tempête comme des lucioles. Bientôt, elles disparaîtront dans le lointain. Le moteur de L’Hirondelle’ ronronne. Marche arrière, marche avant, elle se place dans le sillage de la ‘Magdalena’. Nino ‘La Rascasse ‘, Benzarti ‘L’Yarbi’ , Guliano ‘El Mafioso’, Costa ‘Il Maltèse’ et le jeune moussaillon Rizzo sont à bord .Le sémaphore du bloc est en vue et Signor Canamelle, le responsable du phare, ‘De la grande lumière tournante ‘, leur fait un signe de bonne chance :

Trois pressions sur le bouton de sa lampe torche.

Le brouillard, rare, s’est levé en mer. On navigue à vue et au grésillement de la radio.

La mer est forte, la houle ‘parle.

Maria chez elle, à genoux sur un coussin posé devant son autel, les yeux mi-clos prie -en  compagnie de deux cierges allumées- en son for intérieur.

                                    ‘Saintà Madonna..’ Etc….

L’Hirondelle est en haute mer, balayée par le vent. Les flots fouettent ses flancs. Les heures passent. Elle est prise dans le brouillard…

                        ‘Disgratiatà ….ma dové è il fanalle dèl Capo Bueno… ?’

                        ‘Malèdiction…mais où est donc le phare du Cap Bon… ?)

Ils ont raté le repaire. Egarée  ?  Dans l’immensité ‘désertique marine , ’l’Hirondelle’l’est.

Les premières balancelles parties depuis 24 heures sont rentrées. Maigre butin dans leurs ‘Tirars’( caisses en bois dans lesquels les poissons sont ordonnés avec par-dessus de la glace) Deux d’entre elles manquent à l’appel :’L’Hirondelle’ et ‘L’Ave Maria ‘.

Sous la grisaille et la pluie…la rumeur s’est emparée des berges et des marins pêcheurs. La famille Carbone, Maria et ses enfants avertis et anxieux vont aux nouvelles. Sur le quai ‘La Goulette ‘ l’effervescence est à son comble. On attend.

Solidarité oblige. On chuchote. On échafaude. On prie. On s’abrite - sous les remparts du Fort Charles Quint -de la pluie battante. Des abris de fortune. Des parapluies de fortune. Signor Canamellà , perché sur sa tour de fer, ‘son clocher de lumière’, tourne en rond comme son phare, à droite à gauche, les yeux rivés vers le large obscur. 36 heures et rien. Maria lasse d’attendre, serre ses enfants. La foule, toujours renouvelée, se dirige vers la petite église. Le prêtre debout, derrière son autel, l’attend. Il connaît ses paroissiens. Il a l’habitude de ce genre de situation. L’église est pleine à craquer. L’odeur acre  des cierges, asphyxie   l’air.

Vittorio, Jean-Baptiste, Cèsario, Hélène et Antoinettà ainsi que la maman Maria sont aux premières loges. Face à la Madonna. Digne, debout, essuyant une larme furtivement qui coule sur sa joue rose, L’épouse Carbone a levé son regard vers la vierge. Dialogue intense, muet et plein de ferveur..

                                    ‘Maria … Santà Maria , Madre di bontà, per favore , per i tuo figlio Jèsu crucifacato, ascoltà  mia dolore, sono vènutà con i miei figli …comè ti vèdo…implorare il tuo pardone..tua carità…’

                                    ‘Marie…Sainte Marie, Mère de bonté, s’il te plait, par ton fils Jésus crucifié, écoutes ma douleur, je suis venu avec mes enfants …comme tu le vois implorer ton pardon. Ta charité….

Longue oraison, intense,  si intense qu’on avait l’impression que la lumière de la petite église redoubla d’intensité. Elle parle la Maria à la Maria…. Elle n’entend plus rien Maria. Ni prêtre, ni foule qui se bouscule au portillon. Elle est épuisée la Maria. La Picola Sicilia ‘ toute entière est là, en silence. St Antoine est invoqué, tous les saints sont réveillès et même ceux qui ne le sont pas. Certains invoquent leurs parents disparus pour qu’ils viennent à la rescousse des ‘égarés en mer’.

Des hommes de foi -sur les quais – impatients égrènent des chapelets, tandis que les ‘mécréants’ ‘arrosent ‘ leur attente par quelques gorgées de vin.

Et puis, du haut de sa tourelle, Signor Canamellà a vu…Lui, qui pratique ce métier depuis 50 ans a vu…Il a vu, déchirant dans le brouillard, la grosse silhouette sans queue de ‘L’Hirondelle ‘. Oui…c’est elle, suivie par ‘L’Ave Maria. Six pressions  sur le bouton de sa  torche et voilà le rayon lumineux  dirigé sur les berges surplombant les têtes ‘casquettèes’ des hommes de la mer pour   soulever un cri de joie. La pluie par la peur s’est arrêtée comme par miracle. Ils sont là.

Rizzo, le moussaillon, agile comme un moineau, court vers l’église.

                                    ‘Maria…Maria… ?’

De sa petite voix fluette, non mue, il ‘creuse ‘ un passage d’entre cette foule absorbée On le reconnaît. On l’embrasse et  caresse.

On lui ouvre ‘un tunnel ‘. A droite, a gauche, la foule s’est mise de côté. Entre les deux files, Rizzo  marche, le béret entre ses mains. IL est là, devant Maria Carbone. Elle détourne lentement sa tête. Son regard a quitté celui de la sainte pour se poser dans celui, vif bleuté, du jeune garçon. Elle prend son visage entre ses mains chaudes , rapproche ses lèvres démaquillées et pose un baiser sur les joues froides du puceau.

                                                ‘Siamo qui…..siamo….qui…’

                                                (Nous sommes là……………..’)

Maria, de sa voix douce……’Io lo so…lo sapèvo….’

Nous ètions le 24/12/1959 à 13 heures 15 .Dans quelques heures, se sera Noël pour Giorgio Carbone et la ‘sua famiglia ‘. Buon Natale Jean Baptiste.

Buon Natale a tutti gli Italiani dèlla Picola Sicilia.

Le temps dans l’espace n’est pas  compté , mais je suis certain  d’une chose que notre  temps a existé quelque part dans notre espace GOULETTOIS.

  

 

 

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