La ''Matanza'', fête de la pêche artisanale au thon à Sidi Daoud -

A Sidi Daoud, petit port à la pointe nord-est de la Tunisie, une pêche artisanale saisonnière au thon dans l'une des madragues encore actives de la Méditerranée se pratique depuis plus de 1.000 ans, la Matanza. Généralement réputé pour la sardine ou l'anchois, Sidi Daoud (45 km de Tunis) se livre trois mois par an à des parties bruyantes et violentes de pêche aux thons au moment de la migration saisonnière des scombridés de l'Atlantique à la Méditerranée.
Peau lisse aux reflets azur et argent, ce poisson peut atteindre 3 mètres de longueur et peser jusqu'à 200 kilos. Les thons migrent en colonies longeant chaque année les côtes de l'Algérie et de la Tunisie pour aller frayer dans le golfe de Syrte (Libye).
Passionnés de père en fils, visages tannés, casquette ou Chéhia écarlate sur la tête, les marins pêcheurs sont une cinquantaine à opérer en choeur chaque saison sous l'oeil du Raïs (capitaine) Mongi.
A bord de barques, ils encadrent la pêcherie fixe installée près de la côte, avant de s'approcher d'un mouvement précis et coordonné de la chambre de mort ou "corpo" pour lever les filets avec les captures du jour.
Chants de victoire et jurons fusent rythmant la cadence laborieuse et serrée de la partie. La mer devient rouge et le sang ruisselle des filets au milieu des hourras des hommes.
"La Matanza c'est la joie de l'abondance: c'est le moment où on lève les filets: on compte les thons et on rend grâce à dieu pour ce fabuleux don du ciel", explique Mabrouk, l'homme à tout faire de la madrague.
La saison dure de mai à juillet et occupe les marins du village dès le mois de mars pour l'installation de la madrague. Dans cette pêcherie fixe, le Raïs veille à la pose délicate et complexe des filets qui déterminera le succès de la saison.
A 30 mètres de profondeur, des centaines de mètres de filets mobiles sont disposés en compartiments, pièges et barrages, où les thons s'engagent et se suivent dans des anti-chambres avant de finir dans le "corpo".
Les parties sont quotidiennes, mais le Raïs peut organiser deux Matanza les jours de chance: temps chaud, ciel clair, mer calme, eaux limpides et surtout absence de vent.
A sidi Daoud, les thons sont triés sur les barques et conditionnés avant leur expédition par avion au Japon (via l'Europe) où ils sont vendus trois jours après sur les marchés de Tokyo. Pour être vendu au Japon, le thon doit rigoureusement satisfaire à quatre normes: fraîcheur, couleur, forme et teneur en matière grasse.
"A trop frétiller dans l'eau au moment de sa capture, le thon devient stressé et change de couleur. Parfois les thons sont dits +Yake+ et déclarés impropres à la consommation au Japon", affirme Mabrouk.
Les Japonais s'arrêtent de consommer le thon frais de la Méditerranée de la mi-juillet à janvier et les prix chutent alors, ajoute l'homme.
Le surplus de la madrague va à l'usine de conserverie: taillés et évidés, les thons sont suspendus, puis cuits à l'eau de mer, avant la mise en boîte.
Salés et séchés, les oeufs de thons font la boutargue localement prisée pour l'apéritif.
"La Matanza est un jeu de pocker", affirme Mabrouk. Les captures varient du simple au double, la madrague de Sidi-Daoud a produit 150 tonnes en 2002 et plus de 320 tonnes un an auparavant.
Les derniers passages de thons reconnus, on lève la madrague, les filets sont rangés, les barques tirées à terre et les pêcheurs paysans de la région repartent avec un pécule pour les mois creux.                                 

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