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Être jeune en Tunisie en 2016: Une liberté réprimée moralement, socialement et légalement

Être jeune en Tunisie en 2016: Une liberté réprimée moralement, socialement et légalement

 

 

  Journaliste et Juriste en droit international et droit européen et réciproquement

Un jeune homme qui a obtenu son baccalauréat cette année est mort en tombant du sixième étage (les versions divergent, certaines sources rapportent un suicide).

La cause? Avoir été dénoncé à la police par sa voisine car il était avec sa petite amie dans un appartement.

Que ce soit un suicide ou une tentative de fuite par un balcon n'y change rien. Un jeune tunisien est mort, mort à cause de la peur de se faire prendre, mort à cause de lois liberticides, mort à cause d'une mentalité conservatrice, mort à cause d'une propension inexorable des Tunisiens et Tunisiennes au voyeurisme, à la médisance.

Un jeune adolescent est mort parce que comme sous Bourguiba, puis Ben Ali, l'État s'est occupé de sa vie privée, et le pire, c'est que légalement il en a le droit.

Dans toute démocratie qui se respecte, l'État, la société et les voisins n'ont pas le droit de s'immiscer dans votre vie privée. Or dans la belle Tunisie post-révolution de la LIBERTÉ et de la DIGNITÉ, cela est non seulement le cas, mais pire encore cela nourrit la peur de toute une génération quitte à la conduire à la mort comme ce jeune homme, ou à un autre modèle de société qui offre, en apparence, plus de libertés: l'État Islamique.

Car oui, ce sont ces lois liberticides agrémentées d'un esprit de délation, fruit de la dictature, qui coule dans les veines de plusieurs générations qui n'ont pas et ne comprendront pas cet élan de liberté, cette soif de vivre d'une jeunesse livrée à elle même, qui causent aujourd'hui la mort.

Car oui, la jeunesse tunisienne est livrée à elle même: Les parents? Ils ont démissionné depuis belle lurette. La famille? Elle se réduit en peau de chagrin. L'école, le lycée, l'université? Non plus une école de la vie, des lieux du savoir, mais des lieux de déperdition en perdition. La société? Une bonne partie d'entre elle est restée coincée dans les années 1980.

Reste l'État. Celui-ci est dirigé par des politiciens dépassés membres à part entière d'une société qui n'est plus dans l'ère du temps, rétrograde, ringarde et loin des préoccupations d'une jeunesse éclairée, assoiffée de vie et de liberté.

Voilà où nous en sommes aujourd'hui en Tunisie: Les gens préfèrent s'occuper des fesses des autres quitte à les mener à la mort que des siens. Les gens privilégient le culte de la haine au culte de l'amour. On préfère dénoncer des jeunes qui s'aiment que ses enfants qui se radicalisent. On préfère dénoncer l'idéaliste que l'obscurantiste.

La Tunisie est en conflit, en conflit avec elle même: Les plus âgés ne comprennent pas l'élan de liberté des plus jeunes, Les plus conservateurs ne comprennent pas la soif de vivre des plus "libertaires", les plus frigides ne comprennent pas ceux animés par la passion, les moins courageux ne comprennent pas ceux qui osent entreprendre.

Ceux qui ont vécu cloitrés pendant près de 50 ans sous une dictature morale, sociale, politique, ne peuvent comprendre ceux qui après le 14 janvier aspirent à faire bouger les lignes, faire changer les choses. Ils refusent de voir des générations s'épanouir pendant qu'eux ont vécu des années de frustrations.

Aujourd'hui, c'est la jalousie, la malveillance, la rancune qui animent une grande part de la société tunisienne, peu de monde souhaite le bien-être à autrui. Peu de personnes souhaitent voir leur prochain réussir. Peu de personnes souhaitent voir les autres heureux.

Voilà les legs de 50 ans de dictature, voilà les legs de 50 ans de frustrations, voilà les legs de générations de pleutres qui ont refusé de voir leur confort ébranlé.

Voilà le prix à payer, voilà le prix que vous payez aujourd'hui: Des générations de sacrifiés, qui ne se reconnaissent ni en vous, ni en leur société, ni en leur État.

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