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Empoisonner l’existence de l’autre

 

Empoisonner l’existence de l’autre (info # 010301/13) [Analyse]

Par Sami El Soudi © Metula News Agency

 

On assiste, ces dernières semaines, à une nette recrudescence des incidents opposant, en Cisjordanie, l’Armée israélienne à des membres d’organisations terroristes. On peut voir dans le renouvellement de ce genre de confrontations un épisode du mano à mano politique auquel se livrent le président de l’AP, Mahmoud Abbas, et le 1er ministre israélien, Binyamin Netanyahu.

 

D’autres accrochages opposent également, sur une base quasi-quotidienne, des habitants d’implantations à des villageois palestiniens, et Tsahal à chacun de ces deux groupes, par intermittence. Ces derniers accrochages n’étant pas forcément liés au bras de fer entre Abbas et Netanyahu.

 

Mardi dernier, le 1er de l’an, on est passé près d’une catastrophe, lorsque, suite à l’intervention d’un groupe de mistaravim (musta'arabin en arabe) - des policiers israéliens déguisés en vendeurs de légumes palestiniens et parlant arabe1 -, les soldats hébreux ont eu à faire face à une manifestation violente des villageois.

 

Cela s’est déroulé mardi dans le village de Tamoun, dans le nord de la Cisjordanie ; les hommes de l’unité spéciale appartenant à la Police des frontières étaient venus arrêter l’un des chefs d’une cellule réactivée du Djihad Islamique Palestinien.

 

Les commandos parvinrent à leurs fins et quittèrent les lieux accompagnés de leur prisonnier. Ils y furent remplacés par des groupes d’infanterie de l’Armée, du génie, de la Police des frontières et par des agents du renseignement.

 

Les Israéliens encerclèrent le périmètre situé autour de la maison du terroriste et entreprirent d’y fouiller une quinzaine d’autres habitations.

 

C’est pendant cette procédure que quelques centaines d’habitants ont violemment pris à parti les militaires, les attaquant à coups de pierres et de bouteilles. Les soldats répliquèrent, faisant usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

 

L’Autorité Palestinienne a fait état d’une trentaine de civils blessés lors de cette altercation et d’une centaine d’autres indisposés par la fumée. Mais ce bilan est très nettement exagéré ; en fait, et le Croissant Rouge me l’a confirmé, une seule personne a été touchée à un œil par une grenade de gaz ; et elle a été emmenée à l’hôpital. Par ailleurs, deux soldats ont été atteints par les jets de pierre.

 

Suite à l’échauffourée, les hommes en uniforme reprirent la situation en main et évacuèrent Tamoun en bon ordre.

 

Rebelote aujourd’hui, pas très loin de là, dans le camp de réfugiés attenant à la ville palestinienne de Djénine2. D’autres hommes de la Police des frontières y étaient venus afin de se saisir d’un homme de 26 ans, Amjad Ighbariya, lui aussi soupçonné d’activités terroristes.

 

Comme à Tamoun deux jours auparavant, environ 500 civils se sont opposés aux Hébreux, encore à l’aide de pierres et de morceaux de verre.

 

Ighbariya n’a pas pu être interpelé car il ne se trouvait pas sur place lorsque les soldats frappèrent à sa porte. Ce fait révèle une défaillance du renseignement sur les informations duquel le raid avait été organisé.

 

Au cours de ce second incident, une femme âgée a été mordue par un chien israélien, tandis qu’un jeune a été blessé à la jambe par une balle en caoutchouc.

 

Mercredi, plus au Sud, des edennistes extrémistes avaient effectué une descente visant les habitants du village de Jaloud.

 

A l’occasion de cette ratonnade, la vingtaine de membres d’implantations voisines ont endommagé des bâtiments ainsi que des véhicules. Ils ont pénétré dans l’une des demeures du village où ils ont tabassé un Palestinien, ce qui semblait constituer l’objectif principal de leur action. La victime a dû subir des soins à l’hôpital.

 

Tsahal est rapidement intervenue et les militaires se sont heurtés avec violence aux edennistes extrémistes, ces derniers n’hésitant pas à frapper les hommes en uniforme.

 

Ces divers incidents se déroulent dans le sillage du vote de l’Assemblée Générale de l’ONU accordant un siège d’Etat non-membre à la Palestine. Depuis lors, le cabinet dirigé par M. Netanyahu a pris un certain nombre de mesures destinées à "punir" l’AP et son président pour leur initiative.

 

Jérusalem a notamment gelé ou saisi les avoirs de l’Autorité, utilisant les fonds pour rembourser des dettes en suspens. Ceci place Ramallah dans l’impossibilité de payer les salaires de ses fonctionnaires.

 

Mais l’acte de rétorsion le plus douloureux pour les Palestiniens se reflète dans les décisions de l’exécutif hébreu d’augmenter sensiblement la construction de nouveaux logements, particulièrement à Jérusalem et dans la zone E1, qui relie la ville trois fois sainte à Jéricho.

 

Les milliers d’habitations annoncées dans ce corridor pourraient, au bout du compte, couper la Cisjordanie en deux, privant ainsi de son sens le concept des "deux Etats pour deux peuples".

 

Plus grave encore : à 19 jours des élections, des députés et des ministres du Likoud au pouvoir nient le fait que M. Netanyahu soutiendrait ledit concept, affirmant qu’il n’est mentionné nulle part dans le manifeste écrit de cette formation.

 

Dans divers discours, le 1er ministre israélien s’était spécifiquement déclaré en faveur de ce plan. Et pourtant, il s’est abstenu de réagir clairement aux dénégations de ses ministres. Avec l’adjonction du parti d’Avigdor Liebermann au Likoud, et le glissement général vers la droite de la politique israélienne, qui soutient les habitants des implantations en nombre croissant, on voit mal comment notre Etat pourrait voir le jour ces prochaines années.

 

Dès lors la direction de l’AP n’est pas en reste. Elle multiplie les annonces selon lesquelles l’idée des deux Etats vivant côte à côte va bientôt être enterrée du fait de la politique conduite par Netanyahu.

 

Ramallah a également apporté sa bénédiction à une "étude" démontrant qu’en 2020, dans les frontières du "grand Israël", constitué des territoires palestiniens et d’Israël d’avant juin 67, on constaterait une majorité arabe et non plus juive.

 

Dans l’AP, on entend ainsi souligner que si un Etat de Palestine n’est pas instauré et que la Cisjordanie est annexée à Israël, ou même que le statu quo se maintient jusqu’alors, les Juifs perdraient leur majorité démocratique. Ne leur resterait que le recours à une forme d’apartheid, seul moyen capable d’altérer l’équation fondamentale "un homme, une voix".

 

Et pour enfoncer le clou, Abbas parle de plus en plus souvent de remettre les clés de l’Autorité Palestinienne à Netanyahu, afin de l’obliger à gérer les conséquences de son irresponsabilité.

 

Ce qu’il ne fera probablement pas, car Jérusalem pourrait alors livrer la population palestinienne à elle-même, se contentant d’encercler les zones qu’Israël ne contrôle pas. Dans ces conditions, les foules furieuses finiraient assurément par se retourner contre les représentants de l’AP.

 

Alors, chacun des deux hommes s’emploie à rendre la vie de l’autre la plus pénible possible, tout en sachant qu’il est incapable de se passer de son adversaire.

 

Exemple, justement, la résurrection de quelques cellules terroristes islamistes. Il y a quelques mois, la police secrète de l’AP n’aurait jamais autorisé la réactivation de ces groupes et aurait procédé elle-même à l’arrestation de leurs membres. Désormais, elle ferme un œil, tout en s’assurant que les organisations djihadistes ne se retrouvent pas, à la suite d’une maladresse de l’Autorité, en situation de menacer le gouvernement siégeant à Ramallah.

 

Il y a quelques mois, ç’aurait été notre police qui aurait empêché les rassemblements de villageois dans le but de caillasser les militaires de Tsahal. Et ç’aurait été elle qui leur aurait indiqué l’endroit de la planque d’Amjad Ighbariya.

 

Les populations paient au prix fort la décision - que je me permets de juger puérile et irresponsable - d’Abbas et Netanyahu de ne plus s’adresser la parole et de ne pas se répondre au téléphone. Dire que leurs demeures ne sont espacées que de 14 kilomètres…

 

 

 

Notes :

 

1De nombreux bédouins, Druzes et Tcherkesses, pratiquant l’arabe comme langue maternelle, sont membres de cette unité d’élite.

 

2Notes d’Ilan Tsadik à propos des dépêches de l’AFP sur ces sujets : l’agence française situe le lieu des affrontements d’hier dans "la zone industrielle de Jénine", qui se sont en fait déroulés dans le camp de réfugiés de Djénine.

 

Je cite un câblogramme de l’AFP : "Par ailleurs une vingtaine de colons israéliens se sont livrés (…) a indiqué jeudi un porte-parole de l’armée israélienne". C’est une contrevérité, une fausse citation à fin de propagande anti-israélienne de la part de l’agence semi-officielle française. Le porte-parole en question n’a jamais dit cela. Il n’utilise jamais l’expression "colon" pour définir les habitants des implantations, mitnahalim en hébreu, settlers, en anglais.

 

De plus, l’AFP sait pertinemment que son emploi du terme "colon" ne correspond pas à la signification française de ce mot. Elle passe outre dans le but prémédité de stigmatiser et d’inciter à la stigmatisation de l’Etat d’Israël et de ses habitants.

 

La Ména va à nouveau attirer l’attention du porte-parole de l’Armée israélienne du détournement de sens que lui attribue l’AFP.  

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