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C’est vous qui êtes à Matignon, M. Valls, Par Ilan Tsadik

Une réalité dure comme des statistiques

C’est vous qui êtes à Matignon, M. Valls (info # 011201/16) [Analyse]

ParIlan Tsadik© MetulaNewsAgency

 

Samedi soir, le Premier ministre français, M. Manuel Valls, s’est exprimé devant l’Hyper Casher de Vincennes, où quatre Juifs ont été tués par l’islamiste Amedy Coulibaly, le 9 janvier 2015, soit il y a exactement un an de cela.

 

M. Valls a allumé l’une des dix-neuf bougies disposées sur l’estrade, de même que les Grand-rabbin de France, le Cardinal-archevêque de Paris et le dirigeant du Conseil du culte musulman.

 

Le maire de la capitale, Anne Hidalgo, et le 1er Secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, les ont imités, sous les copieux sifflets du public. Le Président des Républicains, Nicolas Sarkozy, participait également à la cérémonie.

 

Si mon opinion intéresse quelqu’un, je pense que Manuel Valls est l’un des politiciens français les plus respectables en général, et, plus particulièrement, à l’égard d’Israël. Je n’ai pas oublié que le 16 décembre dernier, depuis la tribune de l’Assemblée Nationale, il avait condamné "toutes les campagnes de boycott des produits israéliens", ainsi que les manifestations d’ "un antisionisme qui bascule dans l’antisémitisme".

 

Je n’oublie pas non plus qu’il avait quitté la salle lors du vote des députés de l’Hexagone reconnaissant l’Etat de Palestine sur les "frontières" de 1967, sans négociations possibles concernant leur tracé, ce qui placerait ledit Etat palestinien, par endroits, à 14 km de la mer. 14 km parmi les plus densément peuplés de l’Etat hébreu.

 

C’est précisément là que je cesse de comprendre : pourquoi cet ami d’Israël ne s’est-il pas battu depuis l’estrade du parlement pour exposer ses vues ? Pourquoi n’a-t-il pas tenté de convaincre les députés socialistes, il est Premier ministre après tout ?

 

Ces interrogations se prolongent au sujet du contenu de ses déclarations de samedi soir : ce sont certes des propos courageux, ceux d’un commentateur politique ou d’un membre de l’opposition, occasionnellement, mais pas ceux d’un chef de gouvernement.

 

Quand Valls s’enflamme et lance : "Rien ne peut expliquer que l’on tue à des terrasses de cafés ! Rien ne peut expliquer que l’on tue dans une salle de concert ! Rien ne peut expliquer que l’on tue des journalistes et des policiers ! Et rien ne peut expliquer que l’on tue des Juifs ! Rien ne pourra jamais expliquer !".

 

C’est vrai, rien, dans notre culture européenne, ne peut expliquer tout cela, et alors ? Est-ce pour faire ce genre de constats qu’on s’installe à Matignon ?

 

Est-ce pour entendre la suite ? "Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser".

 

Mais personne (ou presque) n’a jamais eu l’intention de pardonner leurs assassinats à ces terroristes français. Tout le monde est d’accord, M. Valls !

 

Le Premier ministre a, une fois de plus répété : "Je l’ai dit avec mes mots, avec mon cœur, avec mes tripes, et je ne cesserai de le répéter parce que c’est une conviction profonde : sans les Juifs de France, la France ne serait pas la France !".

 

D’abord, on le croit. A la manière de le dire, on est persuadé, d’une, que c’est ce que Manuel Valls pense, de deux, que cela lui fait mal, et de trois, que c’est vrai ; c’est-à-dire que si les Juifs s’en vont, la France ne sera pas ce qu’elle est aujourd’hui et perdra une partie de son âme et de son ingéniosité.

 

Mais on reste totalement dans le domaine de la constatation. Cela fait dix ans que les Israélites se tirent et on n’est pas complètement surpris que le gouvernement s’en soit également aperçu. Et alors ? Il fait quoi, le gouvernement,  pour résorber l’hémorragie ?

 

Ce qui suit est très beau, on dirait du Zola :

 

"Voir des Français juifs quitter, de plus en plus nombreux, leur pays parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité… mais aussi parce qu’ils ne se sentent plus compris, parce qu’ils ne se sentent plus à leur place, aurait dû être, depuis longtemps, pour nous tous Français, une idée insupportable".

 

Disons que, pour certains Français – j’en connais –, il s’agit effectivement d’ "une idée insupportable". Il y en d’autres qui se réjouissent du départ des Feuj, j’en connais aussi.

 

Et alors ? Qu’y a-t-il dans ces paroles compatissantes pour faire changer d’avis ceux qui préparent leur alya ? Je dirais même plus, mon cher Dupont, le fait que le chef du gouvernement reconnaisse la validité des raisons de leur départ constitue, pour ceux d’entre eux qui réfléchissent, une excellente raison de foutre le camp.

 

Ce qui les encouragerait à rester, ce serait que M. Valls affirme que ces raisons sont infondées, ou qu’il a pris des mesures concrètes pour changer le cours des choses et gommer ces sentiments désagréables.

 

Voyons cela de plus près… les Juifs français ne se sentent plus en sécurité, c’est indéniable. Mais, comme le signale à l’attention de M. Valls la vaste majorité des internautes du Monde, tous les Parisiens et tous les Français ont peur, et eux n’ont pas de pays de substitution à disposition pour s’enfuir.

 

Ils lui reprochent de communautariser les Israélites français en leur accordant beaucoup trop d’importance, alors qu’ils ne représentent guère plus qu’un pour cent de la population. Certains autres lecteurs-commentateurs du "journal de référence", une toute petite poignée, leur ont fait très gentiment remarquer que les Mohamed Merah et autre Amedy Coulibaly aussi accordent aux Juifs une "importance exagérée", qu’ils expriment le plus souvent au fusil d’assaut.

 

Encore que Le Monde, toujours aussi "sélectif" lorsqu’il s’agit d’Israël et des Juifs, avait préventivement décidé de s’abstenir de publier un autre passage du discours de Manuel Valls, dans lequel le Premier ministre déclarait : "L’antisémitisme, qu’il vienne de l’extrême droite ou de l’extrême gauche, qu’il vienne du fond des âges ou, aujourd’hui, d’une partie de la jeunesse de nos quartiers doit être combattu avec la même détermination". Nul doute que cela aurait fait encore plus jaser, tant le déni de l’antisémitisme est vigoureux dans la vieille république.

 

Ce qui nous ramène à ce qui me semble être l’essentiel du problème des Juifs français de ce début de XXIème siècle : "(…) ils ne se sentent plus compris, parce qu’ils ne se sentent plus à leur place".

 

Valls aurait également pu employer les adjectifs "rejetés" ou "marginalisés" ou "détestés" ou "pas respectés" ou "systématiquement stigmatisés", bref, ils ne se sentent pas uniquement menacés physiquement mais aussi rejetés du consensus national.

 

Mais pour atténuer ce ressenti, M. Valls, il existe des remèdes simples que vous pourriez administrer à la France sans risquer d’innombrables effets secondaires. Je parle, d’une part, d’inviter vos media à uniformiser leur vocabulaire lorsqu’ils évoquent les Juifs et Israël avec celui qu’ils utilisent dans leur couverture de tous les autres sujets de la planète.

 

Je vous assure que c’est "insupportable" de lire et d’entendre "Cisjordanie OCCUPEE", chaque fois qu’il est question de la Judée-Samarie, et pas à propos du Tibet, de la Crimée ou du nord de l’île de Chypre. Face à une telle discrimination sémantique, on se sent vite stigmatisé. Et lorsque l’on constate que c’est généralisé et que les pouvoirs publics s’accommodent de cette ségrégation médiatique sans broncher, cela donne effectivement, à n’importe quel être humain normalement constitué, l’envie de prendre ses jambes à son cou et de ne plus se retourner.

 

Tout comme il est "insupportable" de constater qu’un quidam qui lance son automobile contre des gardiens de la paix à Paris est un "terroriste", alors que s’il effectue le même geste à Tel-Aviv, c’est un "Palestinien" ; que lorsqu’il est abattu par les gendarmes dans la ville des Lumières, cela paraît absolument naturel, tandis que dans le cas de Tel-Aviv, on va gloser sur l’hypothèse d’un assassinat extrajudiciaire à priori évitable. Ce, même si l’agresseur de Paris n’était pas armé, et que celui de Tel-Aviv l’était jusqu’aux dents.

 

J’ai relaté la plupart de ces cas de double-standards antisémites dans vos media dans mon récent article : "Le poison antisémite coule dans les veines des media français", aussi, je ne vais pas vous infliger des répétitions superfétatoires.

 

On a aussi tendance à se trouver "pas à sa place", quand, sur les grands boulevards, on crie "Juif, tire-toi, la France n’est pas à toi !", et que la réaction de la population, des partis politiques, des media, bien sûr, et du gouvernement est à ce point retenue qu’elle est pratiquement invisible et inaudible. A mon tour de vous assurer, M. Valls, que s’il y avait eu un million de leurs compatriotes dans la rue, en ces occasions, avec le président de la République en tête de cortège, pour affirmer leur solidarité avec la minorité juive, très peu de ses membres songeraient aujourd’hui à apprendre l’hébreu.

 

Autre exemple de cause d’envie de vomir des Juifs de France : les manifestations (plusieurs jours de suite) des partisans du boycott d’Israël pour la venue de la très paisible troupe de danseurs israélienne Bat Shéva à l’Opéra Garnier. Les racistes de BDS sont parvenus à déployer des drapeaux palestiniens et à interrompre le spectacle jusque dans les couloirs et les balcons de la salle de spectacle.

 

Le Bataclan ne vous a pas suffi ? Il paraît que le préfet de Paris a décerné à ces trublions la dérogation nécessaire pour manifester en période d’état d’urgence. Or j’avais l’impression que le préfet était le représentant du gouvernement sur le territoire, et qu’il recevait directement ses ordres des ministres.

 

Avec toute la sympathie que votre démarche personnelle m’inspire, M. Le Premier ministre, de même que le contenu de vos interventions, je vous indique très humblement l’exigence de cohérence entre ce que quelqu’un dit et les actes qu’il produit.

 

Dans les cas que j’ai relatés dans ce papier, il n’est nul besoin "d’affronter une véritable guerre et de la gagner", comme vous l’avez bravement répété samedi ; il suffit de rappeler vos journalistes à l’ordre, en commençant par ceux de l’AFP et du Service Public sur lesquels vous avez autorité, et de signifier à vos préfets que l’antisionisme et l’antisémitisme c’est kif-kif et beurk-beurk.

 

Et peut-être, afin qu’ils comprennent, que Dreyfus, la Collaboration, Drancy et l’Exposition du Juif universel, le peuple sûr de lui-même et dominateur, la Controverse de Nétzarim et le terrorisme islamique ont déjà causé beaucoup de dégâts et d’injustices en France, et qu’il est probablement inutile de retenter l’expérience antisémite ou de la laisser se prolonger.

 

Sinon, je veux dire si vous ne faites pas ce qu’il est urgentissime de faire, vos media continueront d’encourager les vocations de terroristes djihadistes, et il y aura, à l’avenir, de moins en moins de Juifs pour venir écouter vos prises de positions sincères et courageuses.

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