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SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.

Envoyé par albert 
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
04 mars 2008, 02:14
Mon cher Camus, hier j'ai perdu une représentation.
J'ai du rembourser tout le monde.
Tu as promis de nous faire passer la suite d'en haut.
J'éspère que tout va bien, cher ami.
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
04 mars 2008, 04:46


Une page d'Histoire

Tunisie ou Ifriqiya ?

Les dedales de l'Independance de la Tunisie

2eme partie de la nouvelle ecrite par

Dr Reuven (Roger) Cohen.



« L’erreur de Salah Ben-Youssef, continue Djellouli, a été de n’avoir pas participé au congrès de Sfax (15-18 novembre 1955) afin de justifier sa position contre les Conventions signées entre la France et la Tunisie, le 3 juin 1955, conventions insuffisantes à ces yeux, parce qu'elles ne faisaient que mettre un terme à la participation de la France au gouvernement
et à l’administration de la Tunisie, et qu’il jugeait comme un échec. Renonçant au jeu démocratique, il a par lui-même renforcé les tendances de l’autoritarisme, que certains leaders du Destour soutenaient, fut exclu du parti et retourna à la lutte armée.

Or ce terrorisme que Ben-Youssef soutenait, allait à l’encontre de tous les accords signés, et mettait en danger la fiabilité du parti comme étant en mesure de gouverner. Le désarmement des fellaghas, ne fut achevé qu’en décembre 1955, sans que pour cela ne cesse l’agitation terroriste soutenue par les ‘Youssefistes’, alors que Salah Ben-Youssef, sentant que son arrestation était imminente, s’enfuit au Caire, le 28 janvier 1956.

Son renoncement à la lutte démocratique, qui seule aurait pu renforcer le système démocratique en cette ‘Tunisie Nouvelle’, et sa foi en la lutte armée, ont porté un coup mortel à l’option démocratique où les idées de l’opposition et des minorités qui la constituaient auraient pu être prises en considération par le gouvernement.
Y croyait-il lui-même ou bien faisait-il partie de ces groupes qui, à l’intérieur du parti, croyaient que seul l’autoritarisme pouvait faire avancer la Tunisie dans la réalisation des bienfaits que lui procurait l’Indépendance ? Cet autoritarisme était-il nécessaire à la classe bourgeoise qui dirigeait le parti, afin de maintenir les masses et limiter leurs exigences de réformes sociales ?

Ce que je peux avancer, en tout cas, c’est que Ben-Youssef, qui accusait les leaders du Destour, et Bourguiba en tête, d’être des anti-démocrates, concourra par son action au renforcement de cette tendance. La rébellion youssefiste ne fut écrasée qu’en juin 1956, trois mois après que la Tunisie obtint son indépendance.

Cependant, la menace youssefiste de créer le désordre dans la périphérie des grandes villes et dans les campagnes, qui souffraient des conditions économiques désastreuses que leur laissait le Protectorat avec le départ des colons, persista. Cette situation entraîna le Destour à mettre sur pied, en quelques mois une nouvelle administration épurée des Tunisiens sympathisants de la cause youssefiste et, bien entendu, épurée des fonctionnaires français qui quittèrent la Tunisie.
Ce qu’avait fait Gambetta, lorsque les Républicains prirent le pouvoir, dans l’administration de la France, au début des années 80 du 19ème siècle, en changeant les préfets et les hauts fonctionnaires, Bourguiba le fit en épurant l’administration de 105 agents des caïdats sur 160, tandis que la Haute-Cour prononçait sept condamnations à mort, dont celle de Ben Youssef par contumace.

Toutes ces décisions furent prises, il faut le souligner, non par un régime dictatorial, mais par un gouvernement dont l’assise politique était large et qui s’appuyait sur différents groupements et associations élues démocratiquement. Celles-ci avaient veillé à ce que les élections législatives se déroulent, elles aussi, démocratiquement : depuis que l’U.S.T.T, l’ancienne C.G.T, s’était jointe à l’U.G.T.T, la puissante organisation syndicale de Tunisie, animée par le socialiste Ahmed Ben Salah, qui au Congrès de Sfax avait soutenu Bourguiba contre Ben Youssef, 80.000 militants actifs s’étaient mis au service du gouvernement pour encadrer les masses du pays ; à ceux-ci, il faut ajouter les 50.000 militants des organisations estudiantines (U.G.E.T., U.N.F.T.), les membres des organisations d’agriculteurs (U.N.A.T.), ceux des associations d’artisans et commerçants (U.T.A.C.), ceux des ‘Jeunesses Destouriennes’, toute une nébuleuse, donc, d’associations et d’organisations volontaires, dont les leaders furent élus démocratiquement et qui gravitaient autour du parti ; le tout reposait sur
la personnalité de Bourguiba. »

« Comment expliquez-vous alors, l’interrompt Annie, en prenant en considération que le parti reposait sur une assise démocratique assez vaste, que l’encadrement des masses était des plus efficace, et que tout dépendait en fait de Bourguiba, pour qui la laïcité et la tolérance envers les différentes communautés qui structuraient la population et la richesse de la Tunisie était un principe fondamental, que les Juifs furent effrayés et rudoyés par des groupes de ‘gros bras’, que le parti jeta dans la rue bien avant le 20 mars 1956, et qui étaient composés essentiellement de fellahs ? Leur frayeur se développa à un tel point, que c’est surtout elle qui pressa les Juifs de quitter la Tunisie !
On ne peut pas, certes, ignorer l'impression désastreuse qu'ont eu, sur les membres de la Communauté Juive, la dissolution du Tribunal Rabbinique, la transformation du cimetière juif de Tunis en un parc créé sur plus de quarante mille tombes juives, et la dissolution de toutes les institutions communautaires, vieilles de plusieurs siècles. Ces décisions inadmissibles, prises par le Jeune Etat, mirent un point final à une présence millénaire des Juifs en Tunisie. Comment expliquez-vous ces édits incompréhensibles et inadmissibles pour des occidentaux, que l’Indépendance engendra ? Ne seraient-ce pas les signes avant coureurs qui présagent une déroute prochaine face à l’Islamisme, qui dans son essence est antidémocratique ? »

« L’Indépendance nationale comporte certaines exigences de gouvernance qui conduisent à une certaine uniformisation, répond Djellouli. L’intention de toute République "Une et Indivisible", comme le fut la République Française depuis 1792, est de veiller à ce que le statut de citoyenneté englobe tous ceux qui désirent en jouir et que les factions, chose haïe entre toutes pour une république naissante, disparaissent. Les institutions qui ne répondent pas de l’Etat, elles aussi devaient disparaître. Toutes celles donc que la communauté juive désirait conserver, par particularisme ethnique et social, ont été dissoutes.

Il ne s’agit donc pas d’une déroute face à l’Islamisme.
La République Tunisienne a été proclamée le 25 juillet 1957, et le Tribunal Rabbinique a été supprimé le 27 septembre 1957, dans le cadre des réformes de modernisation de l’Etat, comme avait agit dès sa naissance, la République Française. »

« A cette différence près, et ô combien importante, continue Annie, que la République Française a été laïque dès sa proclamation, et a lutté pour le demeurer comme la République Turque qu’a créé Mustapha Kemal, dont la laïcité, proclamée depuis 1937, est sous la responsabilité de l’armée, tandis que la Constitution Tunisienne, adoptée le 1er juin 1959, proclame : ‘Article premier : La République Tunisienne est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’Islam, sa langue est l’arabe et son régime la république’. Voilà la triade de base de la Constitution tunisienne qui fait écho à la triade de base de la République Française ’Liberté, Egalité, Fraternité’. Mais de quel régime de République peut-il s’agir, si celle-ci est étouffée par la dyade islamique et arabe ?

Cela ne fait aucun doute : l’Islam est indissociable de la République Tunisienne. Celle-ci n’est en aucun cas laïque ! Nous pouvons alors comprendre sans difficulté, que malgré la qualité de citoyenneté qu’octroie la nationalité Tunisienne à ses citoyens, ceux qui ne sont pas musulmans n’y trouvent pas leur place ! On comprend alors pourquoi, malgré les efforts de Bourguiba, la laïcité n’a aucune chance de s’implanter en Tunisie, sans une imposante dictature ; dans un certain sens, la laïcité dans le nouvel Etat est anticonstitutionnelle, et donc illégale ! Et, paradoxalement, l’action des islamistes est dans la ligne de la Constitution.

Elle est donc constitutionnelle et légale.
Il faut souligner que la disparition du Tribunal Rabbinique n’a pas été suivie par la création d’un Tribunal Civil appliquant une législation occidentale ou laïque, mais par un Tribunal appliquant des Lois d'inspiration Coranique ! Comment les Juifs auraient-ils pu vivre sous des Lois Coraniques ? Quelle aurait pu être alors la solution pour les non musulmans, pour les Juifs en particulier ? Il ne restait plus alors qu’une solution viable, démocratique et juste à leur égard : celle d’être Tunisiens du point de vue de la nationalité et de conserver leurs institutions cultuelles, culturelles et sociales, c’est-à-dire de demeurer Juifs du point de vue communautaire ! Pourquoi devaient-ils être ‘chassés’ de leur pays, chassés puisque le Code du Statut personnel devait leur être appliqué au même titre que les musulmans, alors qu’ils n’étaient pas musulmans ? Je vous rappelle que les juifs étaient des autochtones en Tunisie, au même titre que les Berbères ! Avez-vous chassé les Berbères ? Or, la seule différence entre ces deux peuples autochtones, qui ont lutté ensemble contre les premières invasions musulmanes, c’est que les Juifs n’ont pas accepté leur conversion à l’Islam. »

« J'interviens. Permettez-moi de vous posez une autre question afin que vous répondiez aux deux questions, à la fois.
A votre entendement, la Tunisie n’aurait-elle pas gagné à adopter le modèle de l’Ifriqiya ?
Cette Ifriqiya romaine dont parle Fernand Braudel avec admiration, cette plaine au centre de la Méditerranée ouverte aux cultures, au commerce, aux richesses ; ce modèle commercial et culturel qu’avaient adopté, en partie, les Ottomans, pourquoi, après la colonisation, les Tunisiens ne l’auraient-ils pas adopté ?

Pourquoi les Tunisiens ont-ils renoncé à tous ces non musulmans, qu’ils soient Juifs ou autres, à leurs compétences, à la richesse qu’ils lui procuraient ? Pourquoi ont-ils renoncé à tous ceux qui ont vécu parmi eux pendant des décennies, et qui ont été transformés avec l’Indépendance en ‘étrangers’ ?

Et quel a été le but de ce pouvoir d’insuffler cette religiosité islamique, alors que la classe dirigeante n’était pas particulièrement religieuse ? Etait-ce par souci d’endormir les velléités sociales des masses sous la chape de la religion, cet ’opium des peuples’ selon Marx ?
En introduisant l’Islam dans la constitution, ne craignait-elle pas de voir apparaître plus tard des ayatollahs ?
Montesquieu n’avait-il pas souligné ‘Que le commerce guérit de tous les préjugés’, que là où le commerce fleurit, les mœurs des habitants sont douces, et que là où les mœurs sont douces on peut en conclure que le commerce est là !
C’était le principe de l’Ifriqiya romaine !
C’est là où se distinguaient ces ‘étrangers’ ; leur départ n’a-t-il pas jeté la Tunisie dans un marasme économique, d'où elle ne parvint pas à sortir ? »

« Les questions que vous me posez ne sont pas simples, nous répond Djellouli. Elles sont liées aux dilemmes que se sont posés les dirigeants, qui cherchaient un équilibre entre les différences tendances qui structuraient la société tunisienne.
C’est là le cœur de ma thèse : la Tunisie étant une société structurée de groupements aux tendances différentes sinon opposées, de mouvances différentes, de traditions différentes. Le gouvernement qui se voulait démocrate et non dictatorial, se devait d’équilibrer ces tendances afin de gouverner et de développer le pays.
Le modèle de l’Ifriqiya n’est plus viable, à mon avis, à l’ère des Etats Nations.

La décolonisation entraîne les peuples à penser à ne pouvoir réaliser leur identité nationale et culturelle, que par le biais d’un retour sur eux-mêmes et d’une séparation nette avec ceux qu’ils ‘jugent’ comme étrangers.

Il nous faut souligner que le gouvernement, dès 1957, a tout fait, non seulement par le biais des discours et d’une action de propagande, mais par des actions concrètes gouvernementales, pour prouver aux dirigeants de la Communauté Juive qu’il était intéressé à l’intégration des Juifs à la société tunisienne. Onze magistrats juifs ont été nommés à de hautes fonctions judiciaires, un ministre juif fit partie du conseil des ministres ; dans les administrations, des juifs furent nommés à des postes importants ; ordre avait été donné par le ministre de l’intérieur aux autorités policières de veiller à la sécurité de tous les citoyens tunisiens, et de mettre l’accent particulièrement sur celle les Juifs.

Je sais bien que les évènements de 1967 et l’incendie de la Grande Synagogue de Tunis, avec la perte dans cet incendie de tous les procès verbaux de la communauté, son état-civil depuis 1898, a porté un coup à la fiabilité des promesses de sécurité que le gouvernement avait donné aux notables juifs. Mais l’intervention musclée des forces de police et les excuses publiques qu’a présentées le président Bourguiba aux Juifs encore présents en Tunisie, a bien transmis au peuple tunisien et aux ‘extrémistes violents’, que leurs exactions ne seraient plus tolérées, et que le gouvernement y voyaient une intervention étrangère qui serait éliminée. Il parlait, bien entendu des éléments islamistes et arabes, venus essentiellement de l’étranger, qui essayaient de déstabiliser le pouvoir en Tunisie.

Suite et fin lundi prochain.
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
04 mars 2008, 04:59
Mr_Jano a écrit:
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> Mon cher Camus, hier j'ai perdu une
> représentation.
> J'ai du rembourser tout le monde.
> Tu as promis de nous faire passer la suite d'en
> haut.
> J'éspère que tout va bien, cher ami.

Je m'excuse Mr. Jano et les autres amis. Les evenement a Sderoth m'ont pris. Ma fille et sa famille habitent cette ville. Samedi dernier une roquette a fait des degats dans leur maison. Heureusement, Baroukh H., ma fille, mon beau fils et mes petits enfants ont passe le Shabbat chez nous a Beersheba. Shevah Lael.
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
04 mars 2008, 07:09
Ollalla...! Mon D ieu.
Ok Camus....Excuses moi.
R.M
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
06 mars 2008, 08:29
Sderoth ce matin.



Un roquette Kassam a atterri dans le salon d'une maison a Sderoth. La famille habitant la demeure ont eu dix secondes pour se mettre a l'abri et ils ont ete sauves, der justesse. Baroukh H.
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
10 mars 2008, 02:26

Une page d'Histoire

Tunisie ou Ifriqiya ?

Les dedales de l'Independance de la Tunisie

3eme et derniere partie de la nouvelle ecrite par le

Dr Reuven (Roger) Cohen




Il faut comprendre que de suite apres l’Independance, le gouvernement devait faire face a la necessité de creer cet equilibre viable, dont j’ai parlé, entre les differentes tendances politiques et sociales qui composaient la societe tunisienne.

Comment agir vis à vis de l’Islam et de certaines de ses tendances, qui émanaient de la grande Ecole Coranique de Ez Zitouna, qui prônaient une Tunisie musulmane soumise à la loi coranique dans tous les domaines de son activité ? Comment établir une liberté de recherche académique, comme elle est pratiquée ici, dans notre Université, si ‘La mosquée de l’Olivier’, El Jamàa Ez Zitouna, prétendait décider du sens et de la portée de la recherche ?

Mustapha Kemal, afin de résoudre ces problèmes et asseoir l’Etat et la société turque sur la laïcité, avait agi en dictateur ; il ne s’était pas appuyé, selon mes recherches, sur le jeu démocratique, mais sur la force de l’armée turque. Mais en Tunisie, où les leaders des différentes formations politiques avaient été à l’école de la démocratie occidentale, la chose ne pouvait pas se dérouler ainsi.
Ils avaient été à l’école de la démocratie républicaine, celle du front populaire, et non à l’école du fascisme mussolinien. Il faut nous souvenir que la Troisième République, dans les premières années du pouvoir des Républicains de l’école de Gambetta et de Ferry, avait agi selon un esprit qui frisait l’absolutisme ; plusieurs chercheurs français ont écrit des papiers qui démythifient cette république qui, à plusieurs occasions, s‘était conduite comme une ‘République absolue’.
Mais la Tunisie, au début de son Indépendance, ne pouvait pas se permettre d’agir ainsi sous peine de faire éclater la société tunisienne !

Il nous faut ajouter qu'une des questions pressantes était comment trouver un équilibre entre les ambitions de la bourgeoisie et son exigence d’une économie libre, capitaliste et libérale, et les exigences de l’U.G.T.T. de Ben Salah, d’une économie dirigée par l’Etat, afin de répondre aux besoins pressants des masses tunisiennes démunies, face à la situation économique désastreuse que nous avait laissé le Protectorat ?

Le volume des investissements des entreprises tomba, d’une moyenne annuelle de 15 milliards, dans la période 1950-1955, à 4 milliards en 1957. La fuite des capitaux atteignit en 1957 le montant record de 36 milliards. La décolonisation et le départ des colons avaient entraîné la suspension de l’aide française qui représentait en 1957 près de 15%, provoquant une crise économique et une crise de confiance qui ne cessèrent de s’aggraver et qui poussèrent le gouvernement à des mesures plus draconiennes encore, afin de maîtriser la situation ; mesures qui apparurent comme un absolutisme effréné. On abandonna la doctrine libérale, au grand mécontentement de la classe bourgeoise et on adopta le premier Plan de développement de trois ans, celui de 1962-1965. On adopta une doctrine politique qui se voulait socialiste, où brilla l’utopie de Ben Salah, et le parti changea de nom pour s’appeler désormais le Parti Socialiste Destourien. Mais il fallait rétablir un équilibre viable entre les différentes tendances économiques, sous peine d’éclatement de la société.

Le Congrès de Bizerte de 1964, face au mécontentement du secteur privé, instaura la coexistence de trois secteurs économiques : un secteur public, un secteur privé et un secteur coopératif, qui lui, fut animé par Ben Salah. Mais l’expérience du coopératisme menaçait, selon les économistes de l’école libérale et les résultats acquis sur le court terme, de détruire l’économie tunisienne et Ben Salah fut démis de ses fonctions, arrêté et emprisonné en mars 1970. Il s’enfuit en Suisse en 1973. Il condamna par la suite la politique de Bourguiba comme une politique allant à l’encontre des intérêts du peuple et créa alors le Parti Radical du Mouvement d’Unité Populaire, qui fut interdit en Tunisie, et dont il se baptisa le leader.

Vous voyez que le Gouvernement Tunisien a toujours cherché des solutions pragmatiques aux problèmes réels qui le frappaient au visage avec la décolonisation et le départ des colons et des non musulmans. Ceux qui ne pouvaient admettre que la Tunisie adoptât ce que je qualifie de ‘Tradition musulmane’, comme un compromis entre l’Islam conservateur et rigide de Ez Zitouna et entre celui plus modéré que le gouvernement voulait instaurer, décidèrent donc de partir. Mais ils partirent de leur propre chef ; ils ne furent pas chassés, comme vous le soutenez ! Je tiens à rappeler que ce compromis avait permis, entre autre, à promulguer le Statut de la femme et la liberté de la recherche universitaire.

Ce compromis que les masses tunisiennes traditionnelles avaient accepté, ne fut jamais admis par l’Islamisme politique, qui a toujours attendu Bourguiba au coin de la rue. Que serait-il advenu si le gouvernement ne l’avait adopté, et sacrifié pour cela, dans une certaine mesure, les positions et le statut particuliers d’une partie de ses citoyens non musulmans ? L’alternative aurait été plus désastreuse encore !

C’est cependant, à mon avis, l’expérience avortée de Ben Salah et la défaite de Nasser pendant la guerre des six jours, qui furent reçus par la jeunesse tunisienne comme une gifle, qui donnèrent son véritable élan à l’Islamisme politique ; c’est le retour de l’économie libérale et du chômage des jeunes, perçus par eux comme un manque d’alternative politique, qui aida au renouveau de la politisation de l’Islam en Tunisie, contre lequel luttera Bourguiba.

Ghannouchi, un des leaders du Mouvement Islamiste Tunisien les plus respectés par la jeunesse, refusait cette analyse socio-économique. Pour lui, les facteurs de ce soutien de la jeunesse à l’Islam et à sa politisation, étaient liés à de facteurs culturels. L’Islam, selon lui, est une réponse religieuse et culturelle au vide spirituel que ressentaient les jeunes. Ghannouchi expliquera ainsi sa thèse en 1974 : "La question fondamentale pour notre société et pour notre système éducatif, est quel modèle d’homme nous désirons former : quelles seront ses croyances, sa philosophie, et comment il fera la différence entre le bien et le mal".

A ses yeux, le système éducatif tunisien n’avait pas de réponse soutenue à ces questions ; l’Islam en avait ; les jeunes virent en lui une doctrine proche de celle de leur père et qui répondait de surcroît, à leur sens, aux problèmes que la société moderne leur soumettait ; nombreux furent les jeunes, étudiants et autres, qui optèrent pour lui.
Le gouvernement de Bourguiba, en décidant de réformer certaines pratiques de l’Islam, était devenu l’ennemi juré des islamistes politiques. En 1957, Bourguiba interdit le port du voile en public et au lycée pour les jeunes filles et pour les femmes.

Avec le Statut de la femme, la même année, il alla même à l’encontre de l’Islam traditionnel, qui était pourtant plus modéré que l’Islam politique, et éveilla son mécontentement ; en donnant certains droits à la femme, ce nouveau statut secoua la structure traditionnelle de la famille, surtout en y introduisant l’interdiction de la polygamie.
En 1960, il annula le jeun du Ramadan, sous prétexte qu’il affectait lourdement l’économie de la Tunisie.

L’année suivante, pour museler ce nid islamiste que représentait l’Université de Ez Zitouna, il la ferma, prétextant qu’elle ne contribuait en rien à la construction du nouvel Etat Tunisien.
En agissant ainsi, et en échelonnant ses réformes sur la position de l’Islam dans la nouvelle société tunisienne, afin de rapprocher celle-ci du modèle laïque, il avançait dans un champ de mines qui pouvaient à tout moment, s’il manquait de sens politique, faire exploser la société tunisienne. Mais la tendance sur la longue durée, ne l'oublions pas, était au laïcisme, et non à l’Islamisme. Ne pas le discerner serait une erreur de lecture !

A mon avis, Bourguiba n’avait rien à envier, sur ce terrain, à Mustapha Kemal.

Voilà, je crois que j’ai souligné les grandes lignes de ma thèse. Je me suis efforcé aussi à répondre à vos questions avec le plus d’honnêteté intellectuelle, dont je suis capable. Ces lignes et ces réponses, il me semble, se concentrent autour des trois axes principaux sur lesquels le gouvernement tunisien devait avancer, en équilibre sur la corde raide, dans les premières années de l’Indépendance, puisque c’est le sujet de votre papier :
Tunisie versus Ifriqiya.
Libéralisme versus Socialisme d’Etat.
Laïcité modérée versus Islamisme politique et extrémiste. »

"Non, Jacquet, il n'y aura pas de conclusion à cet article ! Vous l'avez lu et vous avez saisi qu'il serait "prétentieux" et quelque peu inopportun d'en écrire une. Yde est d'accord avec moi à ce sujet. Nous avons décidé d'un commun accord de livrer, tel quel, le compte rendu de notre interview avec Djellouli, son exposé et nos questions et réactions. Nous vous vous proposons de le présenter ainsi aux lecteurs. Nous comprenons que la chose est inhabituelle et qu'elle choquera, peut-être, certains de nos collaborateurs, mais nous comptons sur l'originalité de cette forme pour gagner les lecteurs à notre thèse et surtout pour les enthousiasmer à la lecture de cette page d'histoire commentée, que nous leur présentons - et que la plupart ignore complètement.

Annie se tait, partagée entre la logique de ma thèse et la passion des sentiments qui l'agitent depuis notre visite à Tunis et notre interview avec Djellouli
"Comme dans les histoires d'amour, Jacquet, il est des articles que
l'on ne peut conclure !"

Jacquet hoche la tête, en signe de consentement (j'ai l'impression qu'il exprime même une approbation - soulignée). Il nous sourit, me fait un clin d'œil et envoie un baiser du bout des doigts à Annie.

FIN


L'assassinat de Itshak rabin a-t-il divise le peuple d'Israel ? Ou bien etait-il deja en scinde ? Lire la prochaine nouvelle du Dr Reuven Cohen lundi prochain.
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
10 mars 2008, 11:11
Nouvelle de Reuven (Roger) Cohen sur l'assassinat d'Itshak Rabin
"Non bis in idem"


"Non bis in idem" : Deinition du Petit Larousse: "Non deux fois pour la meme chose. Axiome de Jurisprudence, en vertu duquel on ne peut etre juge deux fois pour la meme chose".
Ignorant cet axiome, l'Histoire nous jugera-t-elle une seconde fois et nous declarera-t-elle coupable pour notre Nonchalance et notre Hubris, comme elle l'a fait la premiere fois après l'assassinat d'Itshak Rabin ?
Sommes nous certains que nous avons tout fait pour nous liberer de cette "faiblesse de caracteère", caractéristique des Societes Democratiques, qui a engendre les grandes catastrophes de L'Histoire ?

Une nouvelle de
Reuven (Roger) Cohen...
Lundi prochain... EN DIRECT CHEZ CAMUS
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
17 mars 2008, 06:03


Nouvelle de Reuven (Roger) Cohen sur l'assassinat d'Itshak Rabin

"Non bis in idem"



"Non bis in idem" : Deinition du Petit Larousse: "Non deux fois pour la meme chose. Axiome de Jurisprudence, en vertu duquel on ne peut etre juge deux fois pour la meme chose".
Ignorant cet axiome, l'Histoire nous jugera-t-elle une seconde fois et nous declarera-t-elle coupable pour notre Nonchalance et notre Hubris, comme elle l'a fait la premiere fois après l'assassinat d'Itshak Rabin ?
Sommes nous certains que nous avons tout fait pour nous liberer de cette "faiblesse de caracteère", caractéristique des Societes Democratiques, qui a engendre les grandes catastrophes de L'Histoire ?

Reuven (Roger) Cohen.



I - On était en Novembre



On etait en Novembre.
C’est alors que le tremblement de terre eut lieu.

L’universite et les lycees se viderent de leurs eleves, les bus silencieux, charges de voyageurs en deuil, ne diffusaient plus que des nouvelles. Les cafes furent desertes. Chacun recherchait ses chers, ses amis, ses pairs, les larmes aux yeux. On parlait a voix basse, le regard efface. On vit qui deambulaient dans les rues sans but, perdus, frappes par le malheur.

L’ombre du desastre planait sur la ville.
Un certain desarroi s’installait et s’epaississait. Les voitures se deplacaient lentement, en silence. Les vitrines des boutiques paraissaient mornes et les etals des fleuristes insipides. Elles n’attiraient plus personne.
Une certaine torpeur s’était emparee de la cite.

Ce furent les jeunes lyceens et les membres des mouvements de jeunesse qui réagirent les premiers. Les premiers à sortir de cette lethargie et à imaginer un travail de deuil.
Sans concertation aucune, spontanement, par centaines, ils marcherent vers la Place. De toutes les rues adjacentes, des fleuves de jeunes en deuil, une bougie et des fleurs a la main, s’y deversaient. Ils entonnaient en silence les seules prieres qu’ils connaissaient, des chansons douces du hit-parade israelien, des chansons d’un autre age, celles qui bercerent leur prime enfance au jardin d’enfants et a l’ecole primaire, ces cantilenes qui racontent les temps heroïques et fraternels du “Bel Israel”.

Sanglotant, assis en cercle a meme le sol, comme il est de coutume pendant la semaine de deuil, la ‘Chiva’, ils se pressaient les uns contre les autres, se consolant mutuellement, s’enlacant avec affection autour des milliers de petites flammes qui fremissaient sous la brise legere. Un second cercle, plus age, s’etait forme autour d’eux, debout, les epaules voutees, en silence, le visage defait, marque par une nuit de veille. La question clef, celle qui ouvre toute conversation entre Israeliens, « Que va-t-il se passer, maintenant ?» ("Ma yhie"), fusait des lors dans toute sa rigueur, de partout.
« Qui nous conduira hors de cette passe, se demandait-on, qui saura gerer ce malheur ? »



Itshak Rabin



Les hautes spheres demeuraient silencieuses et n’emettaient que de courtes declarations de deuil. Les stations de radio, inondees d’habitude d’un verbiage interminable, qu’alimentaient avec ferveur les hommes au pouvoir, ne diffusaient plus que des melodies de deuil, des berceuses, comme lors de la Journee consacree à la commemoration de la Shoa ou à celle consacree au souvenir des combattants de T.S.A.H.A.L tombes sur le champs de bataille.

Les paroles d’Eytan Haber, chef du cabinet du Premier Ministre Itshak Rabin, resonnaient encore et revenaient inlassablement.
La veille à 23h.14, devant une foule atterree qui se pressait aux portes de l’Hopital Hikhilov, ou Rabin avait ete transporte moins d’une heure auparavant, il avait lu, d'une feuille arrachee à son bloc-notes, un communique qui ne se resumait qu'a une phrase, une seule :
« Le gouvernement israelien annonce, frappe de stupeur et afflige d’une profonde douleur, la mort du Premier Ministre Itshak Rabin, assassine ce soir à Tel-Aviv." Puis il ajouta: " Que sa memoire soit bénie. »
Plus que la foudre, plus que le tonnerre, ce fut un ‘Tremblement de Terre’.

Apres quelques secondes de stupeur, la foule saisissant le sens de la phrase que venait de prononcer Eytan Haber, lança un cri qui dechira le ciel : « Non !!!!! »
Certains restèrent là, figes, hoquetant de sanglots. D’autres quitterent les lieux d’un pas accelere, a la recherche de leurs proches, de ceux avec qui ils avaient participe, dans l’euphorie, a la grande manifestation pour la Paix qui s’etait déroulee sur la Place, au debut de cette soiree mortelle. On ne pouvait, en ces moments macabres, demeurer avec soi-meme. Il fallait parler, se serrer les uns contre les autres, se sentir soutenu et soutenir les autres. Un grand deuil avait frappe ces etres qui avaient eu foi en la Paix.
On était désorienté.
Pour ceux qui y avaient cru, plus rien désormais ne fut comme auparavant.
Ils avaient quitte a jamais l’heureuse epoque de l’adolescence, de la jeunesse, de la foi etheree ; le temps de la naivete.
Le temps qui precedait l’assassinat s’etait arrete de s’ecouler.
Un temps autre etait apparu, reche, apre et douloureux, un temps “dessentimentalise”.

Cela commenca par l’Universite.
Le lendemain de l’assassinat, a l’universite de Tel-Aviv, a la cafeteria de Guilman, le batiment ou siegeaient les Humanites, les etudiants, les yeux rougis de la nuit qu’ils avaient passee eveilles, s'agglutinaient par petits groupes, debattant de ce qu’ils devaient faire. Ils accusaient a haute voix ceux qu’ils consideraient comme les "coupables en profondeur". Ils se servaient d’arguments qu'ils avaient forges lors des seminaires d'etudes, ceux qu'ils avaient debattus avec leurs professeurs. Ils revenaient à ceux qu’ils avaient retires de leurs travaux, de leurs lectures.




Le souvenir


Les lyceens, eux, les plus frappes par l’assassinat, chuchotaient entre eux contre ceux qui avaient conduit la main de l'assassin par leur silence.
Ils portaient leur deuil à fleur de peau, s’appuyaient, a voix basse, presque dans un murmure, sur des arguments concus dans leur douleur, generes par des valeurs immediates et profondes qui les avaient travailles, qui les avaient modeles depuis leur prime enfance; ces valeurs premieres, qu’ils avaient adaptees à leur temperament, a leur entendement, a grave a leur vecu.

Ils les avaient soulevees en classe avec leurs educateurs, lors de ces jeux de roles du ‘Pour ou Contre’. Ils les avaient debattues pendant les repas de famille du Shabbat avec leurs parents autour de la ‘Parashat Ha Shavoua’, ce verset hebdomadaire de la Bible qui engageait les convives aux commentaires moralisants. Ils en avaient discutes dans la cour de recreation avec leurs camarades, lors d’un conflit sur une decision de l’arbitre dans un match de foot.

Les parents etaient etonnes de la reaction de leurs enfants. Eux qui les consideraient comme mus par des motifs futiles, comme legers d’esprit et denues de valeurs, ne pensant qu’a s’amuser et fuyant toute responsabilite, furent surpris de leur conduite, qui n’avait rien a envier a celle d’une personne adulte. Ils en furent fiers et se joignirent à eux dans leurs assemblees de deuil, sur La Place. Ils retrouvaient dans leur facon d'agir une gestuelle et des valeurs qu’ils croyaient à jamais perdues.

La Presse elle aussi fut frappee par l’elan de ces jeunes lyceens qui entrainerent aux obseques leurs jeunes freres et soeurs des classes superieures du primaire, comme s’ils etaient leurs parents ou leurs instituteurs. Plus d’un article de fond fut consacre a ce phenomene inconnu jusqu’alors, et que ce Tremblement de Terre avait engendre.
« Plus rien dorenavant, n’en deplaise a l’auteur de l’Ecclesiaste ‘ne sera ce qui a ete’, repetait Taly a ses eleves. Chacune des 340 mille lettres qui structurent la Thora s’eparpilleront comme feuilles aux vents, si Israel ne reagit pas comme un seul homme à cet assassinat ! »

Lire le prochain épisode de cette nouvelle : Neta

dimanche prochain...

EN DIRECT CHEZ CAMUS
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
19 mars 2008, 02:00
Re: SALLE CAMUS *****EN DIRECT CHEZ CAMUS *****.
23 mars 2008, 01:27
Non bis in idem


Nouvelle de Reuven (Roger) Cohen sur l'assassinat d'Itshak Rabin (suite)



Neta - II




Neta ressentait cet assassinat comme l’evenement qui lui avait fait perdre son innocence et sa foi dans les Appareils d’Etat.
Elle exigeait d’elle-meme et des ses camarades, entretenus depuis le berceau par leurs parents et leurs educateurs dans la confiance des institutions et des mecanismes de l’Etat, qu’ils quittent leur cocon et s’emparent de leurs responsabilites, spoliees par le pouvoir, dans toutes ses expressions.

« Tout doit etre soumis a la critique, disait-elle. Tout doit souffrir le controle des citoyens. Tout doit etre transparent, l’Armee, les Services de Renseignement et de Securite, en tete ! Comme l’avait demande Wilson, apres la Grande Guerre, a la creation de la S.D.N., nous devons, nous aussi, nous opposer a toute diplomatie secrete a a Metternich, cause des guerres et des maux de la societe. La transparence est a l démocratie ce que le garde fou est a ’aveugle. Or on nous a euque aavancer, en aveugles, sur le bord d’un preipice - et sans garde fou ! »

Sa rection au meurtre galvanisait ses camarades. Les sceptiques, cependant, la nommaient ‘La Passionnera des cafeérias’. Ils la louait pour ses engagements politiques, mais la blâmaient de ne pas partager avec eux la conception du ‘Complot’.
« Ce serait aller trop loin, disait-elle ! »
« Ce serait aller trop loin dans la transparence, lui répondaient les sceptiques, et tu crains la brutalité du réveil, la découverte de la triste réalité ! Aussi tu te voiles le visage ! Tant que nous n’irons pas jusqu’au bout, nous n’aurons rien fait. Or comme d’habitude, nous n’irons pas jusqu’au bout. Voilà pourquoi rien ne sert de perdre son temps en paroles et en sermons ! »

Parfois, dans ses moments de doute profond, elle semblait, non sans amertume, en convenir avec eux. Elle admettait que le manque de prudence et de réalisme dont avait fait preuve le Service responsable de la sécurité du Premier Ministre, étaient flagrants. Elle savait, que deux semaines avant le meurtre, le journaliste Arié Caspi avait raconté, dans le quotidien Ha Haretz, qu’il avait rencontré Rabin dans le lobby d’un hôtel ; tous ceux qui se trouvaient dans le lobby auraient pu tirer sur lui à moins de cinq mètres de distance, avait écrit Caspi ! Pourtant, depuis des semaines, l’alerte avait été donnée quant à la haine qui l’entourait et aux insultes de ‘Rabin le Traître’, qui pleuvaient sur lui lors de ses déplacements, ajoutait Caspi.

« Un enfant aurait compris le danger qui le menaçait, convenait Néta, et les hauts responsables sur sa sécurité ne l’ont pas compris ! »
« N’ont pas voulu le comprendre, la reprenaient les sceptiques, la rabrouant - ‘pour sa naïveté’, disaient-ils ! »

Car de suite après les Accords d’Oslo, soulignaient-ils, ‘Le Chab’ak’ avait estimé qu’il existait une éventualité fort plausible que des Juifs portent atteinte à la vie d’autres Juifs, à plus forte raison à celle de personnalités politiques responsables ou soutenant ces Accords. A la mi-août, le Chab’ak avait envisagé d’interdire aux membres des colonies de se rendre armés aux manifestations politiques.
Et dans une interview qui parut dans le quotidien Maariv, du 12 octobre, trois semaines avant l’assassinat, Chimon Romah déclarait : « Certaines conditions sont aujourd’hui réunies qui signalent que des extrémistes pourraient tenter, non seulement de conspuer à leur aise le Premier Ministre, mais bien au delà de cela.

Je pense que le motif d’attenter à la vie de Rabin se fait réel (…) Une nouvelle situation s’est créée qui n’existait pas dans le passé ; il se trouve qu’il y a, aujourd’hui, des personnes qui peuvent avoir l’intention de le tuer ( …) Je ne me souviens pas d’un temps où l’on parlait de façon si claire, que le Premier ministre est un traître et un criminel, et qu’il mérite donc la mort (…) La rue est, aujourd’hui, mûre pour effectuer un attentat contre les dirigeants de l’Etat. Leurs slogans aujourd’hui dégoulinent de sang. »


« J’ai lu pendant toute la journée d’hier, dit Néta à Rafy.
Ils dégustaient, à leur réveil de cette longue nuit d'amour, un café fumant et souriaient de plaisir au rayon de soleil qui filtrait de la fenêtre et jouait sur la table. Comme cela, tout simplement.
Deux semaines s'étaient écoulées depuis l'assassinat.
La vie reprenait ses droits.

"J'ai lu une série de textes sur la kabbale qui pourraient m’aider dans mon travail. Pourrais-tu m’accorder quelques instants, ce matin à l’Université? Je voudrais que tu me donnes ton avis sur leur place dans ma recherche. »
Il lui dit qu’il n’avait pas cours le dimanche et qu’il aimerait bien en profiter pour sortir de la ville avec elle. « Nous nous en occuperons dans la nature. Si tu pouvais te libérer aujourd’hui, lui dit-t-il, ce serait formidable. »
Elle lui répondit toute illuminée de bonheur qu’elle en serait ravie, et qu’elle ferait un saut chez elle pour se préparer.
« Mais non, lui dit-il, je vais t’y accompagner et t’attendrai quelques instants, à moins que ton petit ami soit encore chez toi. »

Elle le fixa dans les yeux, comme pour le remercier de laisser fuser ce soupçon de jalousie, qui est à l’amour ce que le levain est au bon pain chaud. Elle se souvint, que le Zohar, Le Livre de la Splendeur, dont se nourrissent les Kabbalistes, se sert de cette idée de complémentarité entre l’amour et la jalousie, afin d’illustrer le caractère du lien qui relie Israël à son Dieu, et celui de Dieu à son Peuple. C’est sans doute pour cela que leurs rapports sont absolus à ce point, actifs, tendus et toujours tumultueux, sans pause aucune.

Elle voulut lui dire qu’elle rêvait d’un amour qui s’en rapproche, d'un amour absolu, mais les mots lui restèrent bloqués dans la gorge ; pour s’en libérer, elle se jeta dans ses bras. Il l’avait comprise et lui dit à l’oreille qu’elle l’émouvait par la spontanéité et la sincérité de ses caresses. Elle se dégagea de son étreinte et lui dit qu’elle craignait fort qu’elle était en train de tomber profondément amoureuse, et qu’elle sentait qu’elle perdait ses défenses.

« Peut-être vaudrait-il mieux que nous nous arrêtions là avant que je ne sois malheureuse, lui dit-elle. »
Encore ce sens pratique, pensa-t-il. Jamais je n’aurai pensé dans cette direction. Il la tranquillisa et lui raconta comment, au petit jour, « Comme les condamnés à mort sont conscients de l’inexorable qui les attend, je me suis aperçu qu’un sentiment de grande sérénité m’enveloppait et que ta présence me charmait. Je sentais que je venais à toi. »

Elle le fixa du regard, essayant de plonger en lui pour scruter sa sincérité, mais comprit que cette idée là n'était qu'une figure de style, un vœu pieux d'écrivain. 'Qu'ai-je à perdre, se dit-elle, 'let it be', advienne que pourra !"

Ils roulent vers le nord.
La pluie a fait place à un ciel bleu. Le temps comme le caractère des gens d’ici, change du jour au lendemain, d’une heure à l’autre.
« Je voudrais visiter une ou deux colonisations de la Première Alya, sur la route de Waadi Milek. Je voudrais m’inspirer de l’atmosphère qui aurait pu régner, il y a cent ans, dans ces colonies. J’aimerais que tu m’aides, si cela ne t’ennuie pas à ‘ressentir’ l’histoire de cette colonisation. Elle applaudit de joie et lui dit qu’elle rêve d’être son assistante dans la recherche. Il remet à plus tard l’explication complète sur ce sujet, et la place que tient Taly, sa collègue, dans cette recherche. Il lui sourit, et lui caresse le visage ; elle le fixe, étonnée de son geste et, inquiète, avec un certain tremblement dans la voix, elle lui dit: « Si tu penses un jour me quitter, sois gentil, prépare moi longtemps à l’avance. »

Pour la première fois depuis de longues années, il sent son cœur se pincer dans sa poitrine. Ses yeux s’embuent de larmes. " Je dois faire un début de dépression nerveuse, se dit-il ; avoir la gorge qui se noue ainsi pour si peu, en est un signe avant-coureur !"

Il se demande si c’est l’amour que Néta lui porte qui l’émeut à ce point et fait tomber ses défenses, ou le sentiment de frustration que lui a causé Taly en ignorant ses avances. Mais une sensation étrange le traverse ce matin, et il se dit qu’il a le sentiment qu’il est en train de s’attacher à cette jeune étudiante. "Il n’y a aucune raison à cela, se dit-il ; elle ne représente pour moi, en fin de compte, qu’une simple ‘aventure sans lendemain'! Que sais-je, en fait, d’elle ? "

Et cependant, il ne la voie pas comme une élève ‘tout simplement plus facile que les autres’, une élève qui avait été "disponible" au bon moment ; ni comme une élève qu’il avait choisi, pour son sérieux, afin qu’elle l’aide dans sa recherche. Non, il la saisit plutôt comme une compagne avec qui il se sent bien. "C’est peut-être son assurance honnête et sans fard qui me plait, se dit-il, ou sans doute son contact sain avec les choses de la vie qui me charme et me pousse à l’avoir près de moi."
Plus il y pense, et plus Néta l’enchante.

Mais que sait-il d'elle ?
Il sait que Néta a près de vingt cinq ans.
Il sait qu'elle lutte pour la paix.
Il sait que ses camarades les plus proches, militent dans ce Mouvement pour la Paix qui soutient "Qu'au Moyen Orient, seule la paix est révolutionnaire", car elle entraînera un changement radical dans toutes les sociétés civiles de cette région vers plus de libertés et de bien être.

Il sait encore, comme elle le lui avait raconté, qu’elle avait été appelée à faire carrière à l’armée, et qu’elle avait refusé. Ses supérieurs avaient inscrit dans son dossier que "Sa douceur cache un caractère et une personnalité qui l’aidera à remplir son rôle d’officier à leur entière satisfaction, comme à celle de ses soldats".

Elle avait, auparavant formé des soldats dans les blindés, pendant plus d’un an, en tant que sergent. Son endurance physique et sa volonté de fer, malgré sa silhouette fragile, sa douceur et sa conduite souple avec ses soldats, qui non seulement respectaient ses ordres sans broncher, mais ne juraient que d’elle, lui valurent qu’on l’intégrât alors au Cours d’Officiers. On lui avait demandé de faire carrière dans l’Armée, mais elle avait refusé, ressentant cette soif des études qui s’était emparée d’elle, comme une fièvre.

Elle lui avait raconté encore qu’elle se savait sentimentalement ‘faible’, ne se connaissant ni soif de vengeance ni ressentiment, mais se savait aussi, solide dans l’action et dans l’application des décisions qu’elle prenait.

Elle lui avait raconté que ce ressort de volonté toujours tendu vers les buts qu’elle décidait d’atteindre, et cette ferveur de l’étude, la poussait vers le ‘savoir’ qui devait, à son sens, la rapprocher de l’essence des choses de l’esprit.
"En effet, se dit Rafy, ces éléments réunis ont fait d’elle une excellente élève. Elle est choyée par ses professeurs et aimée de ses camarades, qui voient en elle un de leurs leaders à l’Association des Etudiants de l’Université de Tel-Aviv."

Rafy s’était félicité de l’avoir eu dans ses cours, les premières années, et de la guider ensuite dans sa maîtrise. « Je voudrais que ce soit vous qui soyez mon directeur de thèse de doctorat, lui avait-elle dit dès ses premières semaines à l'université, alors qu’elle ne le connaissait qu’à peine". C’était comme si elle avait décidé de le lier à elle, par l’intérêt qu’elle portait à ses cours. Aiguisant la dialectique du maître et de l’élève qu’elle avait découverte chez Platon, «Qui est bien plus riche et profonde que ‘la dialectique du maître et de l’esclave’ de Hegel », soutenait-elle, elle recherchait son enseignement comme un adepte suit son maître.

Les élèves lui racontaient qu'il avait un groopy en elle, qu'elle parlait de lui avec enthousiasme et qu'elle soulignait, sans sourciller, l’originalité de son savoir et sa finesse d’esprit. Ils souriaient avec malice de son enthousiasme et leur regard entendu paraissait évoquer qu'elle en était un peu amoureuse. Il comprenait ce qu'ils lui disaient, et savait quels arguments ils employaient pour la dissuader de tomber dans les rets de ce jeune enseignant ; les mêmes qu'il employa jadis lui-même lorsqu'il s'efforçait, alors étudiant, de persuader celles qu'il courtisait, jaloux du succès de ses jeunes profs auxquels elles étaient prêtes à offrir leurs grâces.
"Tu ne seras ni la première ni la dernière sur ses listes, leur disait-il, nous en avons vu plus d’une en pleurs, délaissée et brisée ! "

Elle lui avait raconté encore que ses parents et ses deux frères vivaient avec leur famille dans un Kibboutz du Nord de la Galilée. Elle était la dernière, née bien plus tard que ses frères et choyée par toute la famille. Cependant, mais peut-être pour cette raison, elle était partie. Au grand dam de ses frères, elle avait quitté cette vie de communauté protégée, ayant décidé de voler de ses propres ailes et de traverser seule les tempêtes de la vie. Armée de valeurs morales solides, elle possédait une boussole rigoureuse et dessinait, depuis, la carte sur laquelle elle désirait menait son périple.

Elle lui avait raconté que ses deux grands amours étaient l’étude, et la découverte de sites dans la campagne israélienne et dans ses déserts ignorés du grand public et de ces sociétés de tourisme qui 'trafiquaient' la vie des gens.

Il cherchait à en savoir plus, surtout dans le domaine de sa vie personnelle et intime, mais elle restait silencieuse sur ce terrain, se protégeant derrière un mutisme qui la rendait mystérieuse à ses yeux, de ce mystère qui donnait à son être une profonde densité et qui l'excitait.

Elle ne lui racontait pas, non plus, qu'elle haïssait cette vulgarité qui émanait des touristes, munis de dollars, qui se prenaient pour les maîtres de ces petits villages où les habitants essayaient encore de protéger leur vie culturelle et sociale. Même le kibboutz où elle était née, était tombé dans le piège de rentabiliser son patrimoine. Comme n’importe quel village de Sicile ou d’Afrique, il se laissait envahir par des touristes grossiers, qui déversaient leurs poubelles sur les chemins qui menaient aux Jardins d’enfants et à la Maison de la Culture, piétinaient sans vergogne les parterres de fleurs entretenus avec amour par Dan, le vieux jardinier du Kibboutz.

Elle aurait aimé que le Trésorier du kibboutz et ses collègues de la Direction, découvrent, comme elle l’avait fait pendant ses vacances, ces petits villages de la France profonde, perdus au cœur du Massif Central ou sur les contreforts des Pyrénées, qui exigent des touristes de respecter leur intégrité.

« L’argent, lui avait dit, dans un de ces petits villages, un patron de ce café épicerie qui faisait aussi station d’essence et distributeur de ballons de gaz butane, permet au client d’être bien accueilli et bien servi, mais non d’être le Roi ! Ce n’est pas pour rien, ajouta-t-il en riant, que nos ancêtres ont fait la Révolution et aboli la royauté ! »

Plus que les cours, c’était la recherche qui intéressait Néta.
C'est elle qui la mettait dans ce que l’on pourrait définir comme une transe intellectuelle. Son émotion grandissait à mesure que les heures passaient, elle entrait alors dans un état de demi conscience, s’oubliant et oubliant ses rendez-vous et ses cours. Elle était capable de passer plus de six heures d’affilé dans la bibliothèque, approfondissant tel aspect du problème, soulevant telle hypothèse, recherchant comme en mathématiques, la solution la plus plausible.
Les bibliothécaires la savaient là, et à la fermeture, la cherchaient entre les longues rangées d’étagères.

Elle aimait les livres, surtout les livres anciens, qu’elle considérait comme des monuments de savoir et de sagesse et que les bibliothécaires n’osaient pas encore évacuer vers les caves. Elle s’en délectait avec gourmandise, et racontait qu’elle ne se connaissait le sentiment de jalousie qu’à l’égard de leurs auteurs.

« Je suis jalouse de leur intelligence, répétait-elle à ses camarades. Comment peut-on parvenir à un tel degré de perfection dans la pensée et dans l’intuition ? Comment peut-on écrire de telles merveilles ? »

Cependant, quoiqu’elle fît partie de ces étudiants 'sérieux', la nuit venue, elle se transformait en noctambule. La grande ville lui avait offert un éventail de divertissements qu’elle exploitait jusqu’à tard dans la nuit.

Avec une bande de quelques bons camarades, on la voyait partout où on pouvait s’amuser sans trop débourser. Les nouveaux pubs à la mode leur ouvraient les bras, les soirées de Jazz, où se produisaient de nouvelles formations, ne se déroulaient pas sans eux, les organisateurs de festivals de films les invitaient, et leurs places dans les salles de théâtre et de concert leur étaient réservées.

Il faut dire aussi qu’elle avait trouvé le filon. Elle était reporter à la rubrique ‘Culture et Loisirs’ d'un quotidien. Eux aussi écrivaient dans des feuilles de choux ou dans des hebdomadaires respectables. Elle avait et le ‘Pain et les Jeux’. Elle s'était spécialisée dans la rédaction d'articles succincts et aigus, et, comme eux, elle gagnait sa vie en se divertissant.

Elle avait ainsi l’occasion de rencontrer des artistes, des créateurs, des hommes politiques, qui se laissaient interviewer avec grâce sur la performance de cet Ensemble-ci, de cette Compagnie-là, de ce nouveau pub. Elle se frottait ainsi à un éventail d’avis sur des sujets qui dépassaient parfois le cadre de sa rubrique.
Après le meurtre du Premier Ministre, elle s’était faite un devoir de soulever avec ses interlocuteurs, à chaque occasion qui se présentait à elle, la gravité de cet acte criminel et ses conséquences culturelles.

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La desuetude - III , dimanche prochain,

... EN DIRECT CHEZ CAMUS

Cette nouvelle parait aussi en Israel, dans mon blog AMIT FRANCE

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