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LE CALCULATEUR.

Envoyé par breitou 
LE CALCULATEUR.
19 juin 2016, 02:42
Paris le 6/04/2010.

LE CALCULATEUR.

En 1970, je quittais mon premier boulot de comptable du Journal la Presse, mis sous séquestre à cette époque, pour reprendre la suite de la Marbrerie de mon papa David.
Il avait besoin d’un scribouillard pour tenir sa compta et aussi m’apprendre les rudiments d’un métier ancestral.
Quelques mois plus tard, je maitrisais mon nouveau boulot et la passion du marbre me pris.
J’étais devenu au bout de qqs années, un ‘kabran’, patron marbrier de l’entreprise de mon papa qui employait ces années là, plus de 20 salariés.
J’avais tout maitrisé de ce difficile métier et au fil du temps, je devenais, ponceur, coupeur, abraseur, graveur, releveur de mesures et de gabarits dans les chantiers et même conseiller décorateur pour les revêtements muraux et autres piscines et boites de nuit.
Le métier n’avait plus aucun secret.
En 1978, un français assez élancé rentre dans notre atelier et se renseigne sur les anciens carreaux de faïence andalous. Mon papa grand collectionneur de ce genre de matériaux en avait amassé des tonnes dans son grand dépôt après les avoir achète chez des brocanteurs peu spécialisés.
Il en stockait à tout va et il me disait ‘ Cela c’est de l’or en barre… !’ Il avait raison.
Dans son capharnaüm, il y avait de tout, des lions en marbre sculpté, des vasques, des colonnes doriques avec leur chapiteaux et socles, des anges d’amour, des couronnes de fleurs en métal, dernier vestiges de l’ancien cimetière chrétien bref tout un bric à brac d’une grande importance à ses yeux et de grande valeur.
Le futur lui donna raison.
Ce monsieur, Dominique, aux joues bien pâles et à la coupe de cheveux bien courte venait donc se renseigner. Il avait les yeux clairs et les lèvres fines. Rieur et plein d’humour, on se lia d’amitié dans un délai très court.
Il nous dévoila qu’il venait d’acquérir une maison dite arabe dans le centre de Hammamet, plus précisément dans la médina et qu’il comptait y habiter et même terminer ses jours dans cette ancienne cité juive. Puisque Hammamet veut dire Hamma Met, (Hamma est mort).
Le bouche à oreille le dirigea donc chez mon père, connu pour sa passion des vieilles choses.
Il avait en main un échantillon de ce carrelage de faïence dit CHEMLA, du nom de son créateur.
Mon papa rusé comme un renard lui fit comprendre qu’il pouvait lui débrouiller cela.
Tout en lui cachant qu’il en avait plus de 300 mètres carrés empilés.
L’homme n’en crut pas ses oreilles et bien sur demanda si mon papa disposait d’une quantité assez importante, soit 75 M2. Papa se garda bien de le réjouir tout en lui promettant que cela ne lui était pas impossible.
Il demande le prix et là encore papa le laisse sur des charbons ardents arguant du fait qu’il devait voir son fournisseur pour en fixer le prix.
Le parisien du 4 iéme arrondissement, demande donc à revenir la semaine prochaine tout en laissant ses coordonnés. Papa jubilait à l’idée qu’il allait en tirer un bénéfice substantiel. Métier oblige.
Je suivais donc les tractations et prend note de cette forme de négoce qui s’oblige à ne jamais se presser pour donner une réponse positive mais de laisser l e futur acheteur dans le doute afin de mieux l’appâter. Un jeu de poker.
Notre homme vient donc aux nouvelles et mon papa lui apprend qu’après moult recherches, il avait trouvé ce dont il était venu chercher. Toute la quantité. Notre homme jubilait et sans discuter accepte l’offre conseillée soit cinq fois le prix du mètre carré acheté.
Il faut savoir que ce genre de carreaux faïence usagés signés CHEMLA était très prisé par les passionnés de vieux revêtements.
Notre homme demande à voir et papa bien sur lui fait découvrir sa caverne d’ALI BABA. Notre français revenu de sa surprise se mit à fouiller dans ces amas de vieilleries, oubliant ce qu’il était venu voir.
Il demande s’il pouvait revenir afin de trier ce dont il avait besoin pour meubler sa grande maison.
Indépendamment de ces fameux petits carreaux.
Au fil des rencontres, nous devenions amis à tel point qu’il vint un jour manger chez nous un bon couscous.
Dominique faisait parti de la maison et bénéficia à ce titre gratuitement de quelques largesses de la part de mon papa, comme comment poser ces carrelages/ tableau. Papa poussa même sa conscience professionnelle à lui numéroter chaque pièce. Afin que le maçon puisse poser celle là sans se tromper. Car, il faut savoir que les pièces, une fois l’ouvrage terminé, forment des tableaux de diverses dimensions.
Il représentait soit des scènes de chasse, soit de grands échassiers, soit des femmes dans un hammam, des pots de fleurs, des entrelacements de motifs, des frises etc…. (Voir les liens CERAMIQUE CHEMLA)
Dominique faisait la navette HAMMAMET/TUNIS presque quotidiennement pour trier ce dont il avait besoin et payait rubis sur ongle ses choix lors des enlèvements.
Lors d’un déplacement sur le lieu de sa grande maison, papa et moi fumes surpris de voir un jeune garçon musulman d’environ 8 ans gambader dans le patio. Il nous dévoile qu’il l’avait prit en charge car ses parents miséreux ne pouvait subvenir à ses besoins. La famille était trop nombreuse. Il en fit donc ‘son fils adoptif sans contrat’.
Il nous le présente. Hakim vivait donc avec lui lorsqu’il était là et regagnait la maison familiale lorsque Dominique rentrait pour son boulot à Paris.
Il nous raconte que sa concubine à Paris l’avait laissée tomber autrefois et que depuis, se faisant une raison, il décide qu’aucune autre femme ne viendrait perturber sa nouvelle vie de célibataire. Une déception. Un chagrin d’amour qui laisse des traces indélébiles surtout que la bonne femme l’avait trompée selon une autre confidence.
Dominique, donc célibataire, âgé à cette époque de 45 ans, montre beaucoup d’affection pour le môme allant jusqu’à subvenir à tous ces besoins les plus élémentaires à la grande joie de sa famille.
D’ailleurs Dominique en grand mécène subvenait aussi aux besoins de la famille du garçon et cela avec une grande arrière- pensée.
Il suivait de loin avec beaucoup d’attention et d’amour le parcours scolaire du jeune garçon. S’enquérant souvent de sa santé auprès de ses parents naturels par téléphone puisque notre bienfaiteur/calculateur avait installé une ligne téléphonique à ses frais, chez eux.
Les travaux de la grande bicoque avançaient et au bout de cinq ans, elle était terminée au grand bonheur de notre français.
Mais notre mission ne s’était pas terminer pour autant parce que notre généreux client était toujours à l’affut de ce qui lui paraissait beau. Papa l’avisait donc de nouvelles choses qu’il trouvait chez ces marchands de récupération, sachant par là que Dominique serait preneur.
Sa maison au fils du temps s’était transformée. On y trouvait un bain maure décoré par des colonnes torsadées du type andalous, des fontaines d’eau, des frontons et soubassements mauresques bref tout ce que papa lui avait refilé durant de longues années.
Le temps passe et bien sur Dominique se faisait de plus en plus rare.
Papa décède entre temps. En 1980.
En 2004 alors que je passais mes vacances à Hammamet, je visitais le souk et la médina avec ma femme et mes enfants.
Et là, mon regard tombe sur un monsieur dont le profil ne m’était pas étranger, sirotant un thé, en compagnie d’un jeune homme imberbe, mignon comme tout, dont là encore, le profil me rappela le jeune garçon de la maison de Dominique. C’était bien Dominique et Hakim.
Nos deux vieilles connaissances assises se tenaient la main, comme un couple d’amoureux.
Dominique devait bien avoir la soixantaine passée et avait prévu cette relation depuis longtemps. Il avait pris ses disposition en prenant sous sa coupe ce jeune garçon, il savait qu’il en ferait, tout ou tard, son amant. Et peut être même son héritier aujourd’hui. Parce que notre homme avait à l’époque héritait de ses parents et était lui-même bien nanti.
Je m’étais bien gardé de le reconnaitre, ne voulant pas, par là déranger, une idylle pédérastique.
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