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Katz Evelyne a partagé un souvenir.

Envoyé par breitou 
Katz Evelyne a partagé un souvenir.
10 décembre 2017, 11:18
Katz Evelyne a partagé un souvenir.
8 décembre, 18:08

18 Décembre 1955
En quittant Tunis début octobre à l’âge de 14 ans avec un groupe de l’Alyat Anoar, nous avons séjourné au château de Cambous dans le village Viols le fort au nord de la ville de Montpellier quelques mois.
Le 18 Décembre 1955, nous avons traversé la Méditerranée pour Israël avec le magnifique bateau Jérusalem.
C’était la fête de Hanoukka. La joie de la fête des lumières était un peu attristée par la séparation de la famille, des parents, des frères et des sœurs, de la grand-mère, le déchirement de quitter le pays natal avec sa lumière et ses couleurs si vives, ses parfums, la maison du deuxième étage en plein centre de la ville, cette maison qui nous a vu naitre, se séparer des amies de classe, et aussi et surtout la douleur de tout laisser dans un passé révolu à jamais…
Pour moi surtout cette séparation a été très pénible et sans aucun doute ce qui m'a dirigé vers l'écriture surtout en poésie, au début en français et par la suite en hébreu. Durand les 3 mois que j'étais à Cambous j'étais si mal et je pleurais tant que j'ai eu 2 visites de la famille en deux mois, une de mon père qui est resté avec 4 jours, et plus tard de ma mère qui est restée particulièrement avec moi jusqu'au départ pour Israël, chose qui n'a jamais été faite pour aucun enfant. Mes deux frères bien que plus jeunes que moi n'ont pas montré des signes de grand chagrin. Des années plus tard ils ont raconté leur détresse refoulée en eux-mêmes.
Ma mère est venue nous rendre visite et restée avec moi les trois dernières semaines. Nous avons toutes deux dormi dans une salle du château. Une des photos Maman à gauche avec les moniteurs du groupe.
Dans le bateau nous avons reçu nos repas dans la grande et belle salle à manger, dans la même salle où y présidait aussi le capitaine du bateau. C’était la 1ere fois que j’ai été servie par un serveur, une serviette sur son bras, toujours préoccupé à nos moindres besoins, accourant en voyant des larmes s’écouler sur mes joues.
Décembre, une mer agitée, les vagues hautes qui nous éclaboussent lorsque nous descendions au pont inférieur. Je ne puis oublier cette image ancrée dans ma mémoire, le long sillage d’écume blanche que le navire laissait derrière lui à la surface de l'eau en naviguant et en fendant les vagues, et qui m’emporte loin au loin vers un avenir incertain, différent de notre ancienne vie quotidienne et calfeutrée, une confrontation perpétuelle pour la réussite, une lutte permanente dans le quotidien.
C’était tout de même une fierté de se sentir adulte du jour au lendemain, d’être libre de diriger ses faits et gestes, de décider toute seule de ton sort et de ton avenir.
Avant le départ nous fêté le 1er jour de Hanoukka dans la grande salle de réception du château de Cambous. Etant donné que je dessinais depuis mon plus jeune âge, j’ai été chargée de décorer la salle, d’orner les vêtements de 8 enfants de longues bandes rayonnantes phosphorées, comme s’ils étaient les 8 mèches de la Hanoukkia s'éclairant pour un petit morceau de danse accompagné de chants.
Les larmes, la tristesse et la joie s'acheminaient et s'harmonisaient ensemble et notre courage toujours prêt à remonter le moral, aller de l’avant vers un avenir bien qu’incertain….Courage, non pas du tout, ce n'était pas du courage. Les parents ont décidé pour moi. D'où ma tristesse et mon déchirement. Tout a été si vite décidé sans me demander mon accord ou mon refus. Oui, c'était avec l'Alyat Anoar, une décision qui a été prise par mon père afin de faciliter le départ de la grande famille nombreuse et des enfants en bas âge, de liquider les affaires de mon père - l'atelier de meubles à la rue Bab-El-Khadra et le magasin de vente à l'Avenue de Paris.
Dans la photo du groupe, je suis celle avec les cheveux longs et un foulard clair autour du cou. Auparavant il ne m’était jamais permis de sortir ainsi, toujours les cheveux tressés ou la queue de cheval. Bon, je décide aujord'hui tout de moi-même.
Quelques photos du bateau et celle de la salle à manger où nous prenons nos repas et qui le soir faisait office de salle de danse. Une lumière tamisée éclairait la grande salle. Dans un coin un piano et un petit orchestre qui jouait des airs de danse. J’arrivais discrètement à l’entrée pour regarder les belles femmes danser aux bras de leurs compagnons si distingués. Mais c’était surtout pour revoir le capitaine qui m’avait fascinée et éblouie dans son uniforme resplendissant, si je me souviens bien, un uniforme bleu foncé et blanc avec les galons dorés.
Huit jours nous avons traversé une mer agitée, ne voyant à l’horizon de tout côté que la mer grise en général et houleuse. Au matin du huitième jour, la rive est de la mer Méditerranée a commencé à apparaitre floue et imprécise encore, enveloppée dans la brume. La voilà, la terre d’Israël, devant nous le port de Haïfa qui avance vers nous à grands pas pour nous accueillir dans notre nouvelle patrie, nous enfants déracinés du berceau de notre enfance.
Est-ce de joie que le ce grand navire hurle à tue-tête ? Peut-être veut-il revenir sur ses pas, faire marche arrière et reprendre un trajet retour vers le port de Tunis ? Pas le temps de savoir. Faut descendre rapidement et toucher la terre ferme.
Une étudiante en sociologie en Israël a préparé sa thèse sur l'Alyat Anor et sur Cambous. Elle est venue chez moi et m'a interviewé plus de deux heures deux séances. Pas idée de ce qu'elle en a fait.
Pour donner quelques précisions, presque un an plus tard, nous avons retrouvé notre famille qui est venue nous rejoindre en Israël. Presque de suite j'ai quitté Mikvé Israel à Holon et mes jeunes frères ont quitté le pensionnat Beiténou, une institution affreuse et sale.
Quant à moi, Je n’ai jamais été et ne serai jamais une Sabra comme on désigne ici tous ceux qui sont nés dans le pays. Je répète, je ne l’ai jamais été et ne le serai jamais une Sabra. Je n’aime pas leur effronterie et ce comportement si effronté. C’est ce qui m’a rebuté dès le premier jour de mon arrivée en Israël. Parfois il me semble que je n’ai plus aucune identité, ni tunisienne, surement pas française et jamais israélienne, une enfant déracinée, tout comme l’a écrit Henri Troyat pour décrire son personnage -lui-même- dans un de ses livres « Etrangers sur la terre ».
L’identité juive est directement associée à la religion, et si je ne me trompe pas n'a aucun rapport avec le sentiment de déracinement que j'ai essayé de décrire. Ce sont deux entités tout à fait séparées.
Est-ce possible d'arracher et de rejeter une partie de soi-même pour se construire une nouvelle identité absolue sans l'ombre d'un passé bien que révolu ? Je ne crois pas. A nouveau je pense qu'Henri Troyat a très bien décrit ce sentiment de déchirure dans son livre "Etrangers sur la terre"

Evelyne Katz

Pièces jointes:
BATEAU 2.jpg
Re: Katz Evelyne a partagé un souvenir.
11 décembre 2017, 00:55
Reponse a Evelyne

Ton message me rammene a mes 17 ans ou de Tunis j'avais fait un "stage" a Violefort aux environs de Montpelier, puis retour a Tunis.
Et quand j'ai eu 20 ans ce fut le grand depart pour Erets Israel.
Le destin a voulu que qq années j'ai ete retenu en France, mais des que ma fille ainée a eu deux ans j'ai fais mon alya ,cela fait 47 ans.
Hag hanouka sameah plein de joie et de lumiere. Amen
.
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